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La chaîne humaine, cheval de Troie des gauchistes
lundi 22 avril 2013, par
Voici une analyse de la chaîne humaine qui se prépare à NDDL le 11 mai 2013. Pourquoi depuis le début j’éprouve des réticences à y participer et comment je formalise ces sentiments aujourd’hui, au vu notamment des articles parus dans les médias de masse récemment.
sommaire
Evénements anciens à "Réseau Sortir du Nucléaire"
Pour comprendre ce que je vais raconter ici au sujet de Notre-Dame-Des-Landes, il faut que je précise que j’ai une expérience concrète de ce que Theodore Kaczynski appelle les gauchistes [1]. Si vous n’avez pas lu La société industrielle et son avenir, je dirai, pour résumer l’idée de Kaczynski - désolé ce résumé sera forcément très caricatural -, que les gauchistes sont le premier obstacle à un changement de société radical puisqu’ils se "révoltent" contre la société en lui assurant sa continuité.
J’ai écrit et publié "Réseau Sortir du Nucléaire est une imposture à la lutte antinucléaire" à la suite d’événements précis qui ont eu lieu fin 2009 début 2010 que j’ai vécus à l’intérieur de la structure RSDN, en tant que administrateur suppléant au Conseil d’Administration de l’association. Cette association est typique pour étudier ce phénomène social où ceux qui sont censés s’opposer au système qui les opprime font tout pour le renforcer et se complaisent dans la situation d’impuissance qu’ils entretiennent. Je précise néanmoins que cette jeune association bénéficie de l’expérience de ses grandes soeurs institutionnalisées au fil des années : Greenpeace et les Amis de la Terre.
Or, le RSDN est la première "ONG" à avoir introduit en France le principe de "Chaîne Humaine" le 11 mars 2012 lorsqu’ils ont rassemblé soixante mille personnes sur la route de Lyon à Avignon [2]. L’autosatisfaction proclamée par le nombre de 60000 participants est symptomatique du gauchisme selon Kazcynski : plus ils sont nombreux à manifester leur impuissance, plus ils sont contents parce que les médias de masse relaient leur initiative [3]. Selon Kaczynski,
Son sentiment d’infériorité [au gauchiste] est tellement enraciné en lui qu’il ne peut se représenter comme quelqu’un de valable et de puissant. Voilà pourquoi le gauchiste est un collectiviste. Il ne peut se sentir fort qu’en tant que membre d’une grande organisation ou d’un mouvement masse auquel il peut s’identifier.
RSDN et la chaîne humaine à Notre-Dame-Des-Landes
En juillet 2012, extrêmement contents d’eux-même pour l’organisation de la chaîne humaine de mars qui avait fait parlé d’eux, les dirigeants de RSDN se sont rendus à Notre-Dame-Des-Landes pour un forum sur les GPII : Grands Projets Inutiles et Imposés [4]. Là, ils ont rencontré et influencé d’autres gauchistes à l’intérieur de l’ACIPA.
Les 15 et 16 décembre 2012 ont eu lieu à Notre-Dame-Des-Landes les premières rencontres inter-comités de soutien à la lutte contre l’aéroport. Il est né de ces journées l’idée d’organiser une chaîne humaine entourant la zone de construction du futur aéroport - croient-ils. Etait présent à ces réunions Steven Mitchell, membre du Conseil d’Administration de RSDN [5].
Quelques jours après cette rencontre du 15-16 décembre à NDDL, le RSDN a publié un texte faisant le lien avec la lutte contre l’aéroport : De l’EPR à l’aéroport de Notre-Dame des Landes, reprenons notre avenir en main !. On remarque immédiatement dans le titre l’allusion à la chaîne humaine "reprenons notre avenir en main", qui sous-entend "tenons-nous la main". Les gauchistes veulent formatter la lutte contre l’aéroport comme ils ont formatté la lutte contre le nucléaire. Au lieu de changer la société, il faut être plus sobre chacun, comme le montre leur introduction :
De l’aéroport de Notre-Dame des Landes au futur site d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure, en passant par ITER et l’EPR, les grands projets inutiles imposés, polluants et coûteux, constituent des obstacles à une société de sobriété. Le Réseau "Sortir du nucléaire" marque sa solidarité avec les opposants à Notre-Dame des Landes et invite à la convergence des luttes.
Ce qu’ils veulent à RSDN, c’est que la lutte à Notre-Dame-Des-Landes prenne le même chemin que le leur : la sobriété imposée à chacun, plutôt que le changement radical de société imposé aux marché et à la bureaucratie. Bref, la continuité dans la rebellitude. Bien plus qu’un résultat, c’est surtout une méthode, une façon de militer, de se comporter, d’apparaître, de paraître identique partout, c’est cela leur modèle. Greenpeace International en est le fer de lance : hiérarchique, médiatique, bureaucratique, l’argent roi, l’argent des dons : une fin en soi.
Evénements récents à Notre-Dame-Des-Landes
Le samedi 13 avril 2013 a eu lieu une manifestation nommée "Sème Ta ZAD". Nous devions être problablement environ deux mille sur la zone, divisés en deux cortèges. L’après-midi, ont eu lieu des ateliers de mise en culture un peu partout. Il régnait une ambiance très festive et joyeuse parce que les gendarmes étaient partis du carrefour du moulin de Rohanne, dit "le carrefour de la Saulce". Comme cela faisait 180 jours qu’ils occupaient ce croisement, ça faisait du bien à tout le monde de ne plus se sentir menacés de contrôle, de provocations, d’arrestation arbitraire, par les forces du désordre. Mais il n’y a pas eu que des ateliers de mise en culture. Certains ont pris la liberté de construire des chicanes sur une portion de route de la D81 près du carrefour, de manière à signifier à la Préfecture qu’elle n’était pas la bienvenue si elle voulait revenir [6].
Le dimanche 14 avril a eu lieu une nouvelle rencontre inter-comités à la Vache-rit. Une centaine de personnes venues de la France entière et de Belgique y assistait. Deux filles venant du Sud ont mis les pieds dans le plat dans la séance en demandant des explications concernant l’opacité des décisions budgétaires de la chaîne humaine du 11 mai, le budget indécent faisant intervenir un hélicoptère.
- En juillet 2012, c’était un ULM militant qui avait pris les photos aériennes.
S’en est suivie une suite de prises de paroles d’AG fiévreuse. Un des organisateurs de la chaîne humaine a évoqué un rique météo pour l’ULM, un problème éthique pour le drone, mais par contre n’a pas eu de problème éthique avec l’hélicoptère. A été répété que les décisions de la chaîne humaine avaient été prises en assemblée générale de chaîne humaine. Ces AG ne représentent cependant pas la multitude qui participe à l’opposition au projet d’aéroport.
Un zadiste a évoqué le fait que si des gens voulaient militer en faisant des chaînes humaines, et qu’ils payaient pour cela, ils avaient le droit de le faire sans qu’on les embête. Qu’en échange, eux aussi avaient le droit de militer à leur façon - par exemple en construisant des chicanes à l’approche du carrefour de la Saulce - sans se faire taper dessus par les compagnons de l’ACIPA.
La lutte contre l’aéroport n’appartient à personne, et chacun a le droit de se l’approprier, c’est la clef de la réussite. Cependant, on aurait vraiment tord de s’en tenir là car au moment où les flics se retirent et où les expulsions paraissent plus lointaines, revient la lancinante question de l’après.
Et vu ce que je constate des mobilisations inutiles sous la formes de chaînes humaines initiées par le RSDN, je m’inquiéte donc de la récupération de la lutte contre l’aéroport par les gauchistes le 11 mai. Non pas qu’ils vont faire reprendre à Vinci de la force pour construire l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, mais ils pourraient permettent au système tout entier de continuer dans le dénigrement des solutions politiques adaptées malgré la belle réussite de l’organisation libertaire du collectif d’occupation et des gens sur la zone. Voyons comment ils pourraient s’y prendre, ils ont déjà commencé la besogne.
Les récents dérapages médiatiques de Julien Durand, porte-parole de l’ACIPA
Le lundi 15 avril, des affrontements ont eu lieu au carrefour de la Saulce le matin [7]. Le communiqué de l’ACIPA est sobre :
ACIPA - Communiqué de presse - Notre-Dame-des-Landes, le 15 avril 2013
Affrontements déplorables carrefour du chemin de Suez à Notre-Dame-des-LandesL’opération "Sème ta ZAD" fut une belle réussite malgré les conditions climatiques, avec une ambiance conviviale et familiale, témoignage d’une réelle complicité entre les divers mouvements de la lutte contre le projet d’aéroport.
Les gardes mobiles s’étaient retirés des carrefours des Ardillères et du chemin de Suez, dit la Saulce, permettant le bon déroulement de cette manifestation d’installation de projets paysans.
La journée fut paisible et la circulation fluide.Les forces de police sont revenues aux Ardillières et au carrefour de Suez. En ce dernier lieu, des affrontements ont dégénéré dans une violence réciproque, ce que nous déplorons.
L’ACIPA et l’ADECA regrettent que des tranchées aient été creusées sur la seule route encore utilisable normalement, offrant un prétexte à l’affrontement et entraînant l’escalade de la violence de part et d’autre.
Elles déplorent la présence policière à ces deux carrefours et n’en comprennent pas la raison, puisque suite aux conclusions des différentes commissions, les travaux seront inévitablement retardés de plusieurs mois.
Elles réaffirment leur soutien aux actions créatives de projets porteurs d’avenir pour de nombreux habitant-e-s et paysan-ne-s sur la ZAD, dans un climat de dialogue et de partage entre tous les opposants.
Par contre, le 17 avril, Julien Durand, porte-parole de l’ACIPA, donne une interview à Ouest France et se livre à une caricature des zadistes :
On sait que ces radicaux sont alimentés matériellement et idéologiquement par des meneurs absents de la Zad, qui eux ne vont pas au front.
Dans le nucléaire, on est habitué, c’est bien connu, n’importe qui qui s’y oppose est forcément "manipulé par des forces obscures invisibles". Certains découvrent ici l’aspect réactionnaire du personnage, prisonnier de ses croyances et ses clichés. Le problème, c’est qu’il est représentant de l’ACIPA, il exprime ses croyances personnelles au nom des opposants à l’aéroport. Il faudrait que nombreuses personnes de l’ACIPA connaissant ou vivant sur la zone donnent leur opinion sur ces déclarations. Et en public, avec confrontation pacifique et droit de réponse...
On observe seulement qu’à chaque fois que nous organisons une opération pacifique, elle est parasitée, avant ou après, par une petite minorité qui entretient ce climat de violence.
C’est donc quelques zadistes qui entretiennent le climat de violence. Evidemment, où avait-on la tête ? Qu’attendent les historiens pour décrire NDDL comme le lieu que quelques personnes ont réussi à créer pour assouvir leurs besoins de violence ?
Et au fait, de quelle opération pacifique parle JD pour le lundi 15 avril au matin ? Serait-ce lui qui a "organisé" le retour des flics au carrefour ?
On savait déjà que pour la manifestation de ré-occupation du 17 novembre 2012, le bureau de l’ACIPA avait eu confirmation du Préfet quelques jours avant qu’il n’y aurait de forces armées sur la zone. C’est possible qu’il fournisse au Préfet des informations sur ce qu’il se passe sur la zone. C’est possible qu’il ait été au courant que les flics allaient revenir au carrefour le lundi matin. Mais de là à se sentir l’organisateur d’une opération pacifique...
Peut-on rester sans rien dire face à une telle ineptie étalée dans la presse par le porte-parole des opposants ?
Mais il n’y a pas que cet article ! Voyez les deux articles de Libération :
lundi 15 avril : Les opposants dépassés à Notre-Dame-des-Landes
samedi 20 avril : Notre-Dame-des-Landes : les gendarmes se retirent de la zone
Extraits de l’article de Libération du 15 avril
« C’est de la provocation ! Une petite équipe de manipulateurs tente de faire dégénérer le mouvement d’opposition ! »
Que ce soit de la provocation, de part et d’autre, il y en a. Mais l’interprétation de M. Durand est stupide : quel serait l’intérêt des "manipulateurs" à vouloir faire dégénérer le mouvement d’opposition ? En parcourant les lieux d’occupation lors de la journée de mise en culture "Sème Ta ZAD", Julien Durand a-t-il vu un bande de nihilistes "no future" désireux d’en finir avec tout ? Pauvre porte-parole engoncé dans ses réactions lapidaires et ses clichés m’a-tu-vu.
« Mais dimanche matin, lorsque nous sommes retournés sur place pour pique-niquer et tenir l’assemblée générale des comités de soutien, nous avons constaté qu’une petite équipe de radicaux avait commencé à percer la route et à édifier des chicanes. ». Les opposants historiques ont alors tenté d’expliquer que cette route, la seule restant en circulation libre dans la ZAD, est indispensable au travail des riverains et des paysans. « Manipulés par quelques agitateurs irresponsables, ils n’ont rien voulu entendre », déplore le porte-parole.
C’est marrant cette notion de circulation libre selon le journaliste. C’est quoi la liberté entre :
passer un barrage de flics, avec potentiellement contrôle des papiers ou
passer une chicane qui oblige juste à ralentir ?
L’Acipa condamne ces « comportements violents et inutiles qui vont entraver l’amorce de dialogue qui se dessinait avec les pouvoirs publics ».
Ah bon cela les empêche de discuter avec le Préfet ? Mais depuis le début alors : pendant les expulsions d’octobre, de novembre, de décembre, depuis le début les affrontements avec les forces armées entravent le dialogue.
« Nous avions réussi à retrouver une vie plus calme à Notre-Dame-des-Landes et nous allions aborder plus sereinement l’avenir. Maintenant, on repart de zéro à cause d’une poignée d’activistes irresponsables ! » regrette-t-il.
Mais grâce à qui il aborde plus sereinement l’avenir ce mec ?
Extraits de l’article de Libération du 20 avril
Mais surtout le dialogue est renoué entre la préfecture et l’Acipa, principale association historique des opposants à la construction de l’aéroport.
C’est le journal qui écrit cela. Il apparaît évident que l’ACIPA et la Préfecture ont un communiqué de presse en commun : ils (re)discutent. Comme s’ils avaient arrêté de discuter avant, le temps pour la Préfecture de procéder à des arrestations, contrôles d’identité, fichages des personnes et des véhicules, photos aériennes.
Cette semaine, Julien Durand, porte-parole de l’Acipa, avait ainsi estimé que « les tranchées et les barricades » installées sur le site par les anticapitalistes « ne sont pas une solution »
C’est formidable cette analyse. En temps de guerre, 14-18 par exemple, les tranchées et barricades ne sont pas une solution. A quel problème exactement ne sont-elles pas une solution ? Ce vocabulaire, on le connaît par coeur, c’est celui de Sarkozy et de Hollande en même temps, c’est la langue de bois.
Voir aussi Contre l’Acipa, la CHC et son monde héliporté
Conclusions
Il me semble crucial de construire une argumentation contre les gauchistes, comme les appelle Theodore Kaczynski, ces gens qui constituent le premier obstacle à l’arrêt immédiat des réacteurs nucléaires [8], le premier obstacle à un changement radical de société.
Les gauchistes construisent chaque jour la récupération des mouvements de révolte contre cette société et une fois qu’ils ont colonisé ces mouvements, ils les transforment en artefact de la société elle-même, sans plus aucune subversion.
C’est ce qui s’est passé avec Réseau Sortir du Nucléaire : cette officine a orienté le sentiment de révolte contre le système qui rend possibles et inévitables les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima vers un sentiment d’impuissance assumé et entretenu puis dévié en sentiment de jouissance festive et conviviale : la chaîne humaine.
Les gauchistes sont droits dans leurs bottes avec la "non-violence", élevée au rang de valeur absolue alors qu’elle doit rester relative. Leur chaîne humaine est "pacifique". Traduisez : elle ne fait pas que se dérouler dans le calme avec l’accord de la Préfecture, elle discrédite également les mouvements de révolte qui utilisent les moyens adaptés face à la violence imposée par l’état pour les marchés financiers.
Espagne 1936 : ces prises de parole au nom de l’ACIPA, de Julien Durand me font penser à la non-intervention de la France et de l’Angleterre lorsque Franco a lancé son offensive génocidaire contre les structures libertaires (huit millions de personnes vivant à la manière anarchiste, sans état). Pour que l’histoire des génocides ne se répète pas, faites passer le mot : gauchistes no passaran !
Entendons-nous bien : il ne faut pas aller saborder la chaîne humaine du 11 mai. Il faut la montrer sous son véritable visage, expliquer, construire des argumentations : pourquoi nous voulons un changement réel de ré-appropriation de nos vies, pourquoi le changement médiatique ne nous suffit pas, pourquoi la chaîne humaine, événement uniquement médiatique ne nous convient pas en tant que tel.
Notes
[1] Theodore Kaczynski "L’effondrement du système technologique" Editions Xénia 2008
[3] Comme l’écrivait l’Association Contre le Nucléaire et son Monde dans Sages comme des images... en 1998, leur seule force est médiatique.
[4] Je supprime le terme inutile parce que tout projet est inutile aux yeux d’une partie de la population, la seule question qui se pose est de savoir comment un projet leur est imposé.
[5] Steven Mitchell est devenu membre du CA de RSDN le jour du putch, le samedi 6 février 2010. Un putch auquel il a activement participé puisqu’il s’est présenté à l’élection du nouveau CA au nom d’un collectif qui n’existait pas : "STOP EPR 2". Nous avons la preuve de la création de ce groupe fantôme STOP EPR 2, quelques jours avant l’AG, uniquement pour se présenter à l’élection du CA en prévision de la révocation entière du CA existant par dramatisation de la situation. Voir aussi http://reseau.democratie.free.fr/
[6] Voir mon article Le carrefour de la Saulce au poivre.
[7] Lire le flash info du 15 avril.
[8] Comme le défend la Coordination Stop Nucléaire.
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