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Amis de la Terre : du double langage

dimanche 11 décembre 2011, par Puissance Plume

En juillet, les Amis de la Terre France publiaient leur position sur l’énergie. C’est un discours creux [1] mais avec quelques piques sur le "capitalisme progressiste et social".

D’abord, il n’y a aucune priorité dans ce discours. N’importe quel être humain fait des choix, et il les proposent quand leur application ne dépend pas que de lui. Les AT eux, ne font aucun choix : arrêter les réacteurs nucléaires ou faire tomber les émissions de CO2 en priorité ? On ne sait pas. Ce discours est typique de la fausse démocratie : le mensonge perpétué qui veut qu’on fasse croire que la démocratie consiste à ce qu’une élite bien pensante puisse réaliser une position de consensus sur les sujets de société complexes.

Ensuite, la page est bien organisée : on lit la position des AT sur l’énergie et puis on est invité à cliquer sur le bandeau du haut : la fameuse entreprise environnementaliste "Sortir du Nucléaire" [2].

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Position des AT qui mène à SDN (cliquez pour aller sur la page)

Or, SDN est devenue l’association type de la dérive d’institutionnalisation des ONG : fondée sur un consensus mou et flou [3]. C’est une structure hiérarchique pyramidale qui n’a aucun mécanisme de décision démocratique, qui fonctionne en permanence dans l’urgence pour éviter le recours à la décision des adhérents [4]. Pire, les salariés ont effectué un putch à l’AG du 6 février 2010, pour installer une ligne encore plus molle au service du parti seul parti politique "Europe Ecologie Les Verts".

Voilà comment cette belle pique contre le "capitalisme progressiste et social" qu’on trouve dans le texte de Marie-Christine Gambérini se retrouve totalement contredit par la présence du bandeau menant à SDN. Les AT sont adhérents à SDN et n’ont malheureusement pas l’intention de lâcher la bride de leur propre capitalisme progressiste.

Le problème de Greenpeace, AT, SDN : c’est la logique du pouvoir et du contre-pouvoir : l’un a besoin de l’autre, ils sont fait pour aller ensemble. Ce que j’ai à proposer est complètement différent. Je suis barré ailleurs.

Tous ces cons qui vont nourrir les bourreaux de leurs enfants et faisant le jeu des médias, je les capte bien plus vite qu’avant, ca m’évite de me faire perdre mon temps. Ils me font penser à David qui, au lieu de tenter sa chance à la fronde, jouerait le jeu que Goliath organise pour lui.


Texte original des AT


L’enjeu énergétique : introduction aux débats
Par Coordination ATF

Texte de l’intervention de Marie-Christine Gamberini, référente des Amis de la Terre sur le nucléaire et l’énergie, à l’université d’été des Alternatifs, le 7 juillet 2011 à Nantes / Notre-Dame-des-Landes

« Il existe toujours, pour tous les Etats, un Etat de guerre continuel envers les autres Etats [...] Car ce que la majorité des hommes appellent « paix » n’est rien qu’un mot. [...] il y a toujours, pour tous les Etats contre tous les Etats, un état de guerre non proclamé par la voix du héraut »

Platon, Lois I, IVe siècle av. J.-C.

On oublie souvent que, de toutes les sources d’énergie, la calorie alimentaire reste la plus vitale pour les êtres humains. Or, déjà menacées par les pollutions chimiques et radioactives, les déficits d’eau souvent liés aux exploitations minières, l’artificialisation des sols et l’urbanisation galopante, ces calories le sont maintenant par l’accaparement de terres pour produire en Afrique, Asie ou Amérique latine des agrocarburants destinés à alimenter en « renouvelables » les automobiles — voire les avions — des Européens.

La majorité des 1,3 milliards de paysans de la planète assurent encore la subsistance de leurs proches « à la main », et quelques centaines de millions recourent à la traction et la fertilisation animale. Seuls 30 millions disposent de machines agricoles et d’engrais de synthèse : leur système de culture, ultracentralisateur et gaspilleur d’hydrocarbures, n’est ni généralisable ni tenable.

En outre, au-delà du fameux « pic » pétrolier annoncé dès 1957 par Marion King Hubbert, un pic « de tout », et notamment de métaux (zinc, étain, cuivre, indium, antimoine, etc.), menace à court terme jusqu’aux technologies censées doper la croissance « verte ». D’où un extractivisme forcené — charbon : de 2001 à fin 2009, un siècle de réserves mondiales au rythme de production de 2001 ont été consommées ; mais aussi gaz de schiste, sables bitumineux... et concentrations toujours moindres de minerais qui réclament plus d’énergie — dévastant des étendues immenses et hypothéquant toujours plus la vie sur Terre au profit de transnationales de plus en plus tentaculaires, et de minorités de privilégiés.

Bien des « richesses » (or, pétrole, uranium...) se révèlent pour les populations avoisinantes une malédiction mortifère. Le dogme « progressiste » du nivellement social par le haut sert en pratique d’alibi au creusement d’inégalités néocolonialistes et néoféodales d’une ampleur inédite. La gauche ne peut plus cautionner comme elle l’a fait des décennies durant (avec la fission puis la fusion nucléaire, et maintenant les nanotechnologies et certains avatars des renouvelables high tech) le mythe de l’accès prochain à une énergie illimitée qui permettrait magiquement, en accroissant le gâteau planétaire, de se dispenser du souci de le partager équitablement entre tous dès à présent.

Si la guerre pour les sources d’énergie fossiles (80 % de nos consommations énergétiques commerciales) est flagrante, le vent ou le soleil, inégalement répartis et dont la captation requiert des ressources matérielles, n’y échappent pas non plus. Quant au nucléaire, qui ne représente que 2,4 % de l’énergie finale consommée dans le monde (14 % en France), la liste des 6 pays (USA, France, Russie, Japon, Corée du Sud, Allemagne) qui assuraient à eux seuls les 3/4 de la production électronucléaire planétaire en 2009 montre bien que l’enjeu clé de sa perpétuation n’a rien de « civil ».

Le bien-être matériel des peuples, leur « confort » énergétique, leur supposé « droit » à la mobilité (qui sert surtout à faire tolérer qu’on rende leur environnement immédiat invivable) ne sont qu’un sous-produit éventuel, une promesse-alibi, un bénéfice collatéral non systématique et toujours précaire, de la volonté d’asseoir la puissance des Etats et du lobby militaro-industriel.

Il faut avoir le courage de dire que la justice sociale et environnementale, mais aussi la paix entre les peuples, voire le refus de l’aliénation, supposent aujourd’hui des formes de rationnement, que le drame de Fukushima conduit d’ailleurs les Japonais à expérimenter bien malgré eux.

A l’inverse, le capitalisme « progressiste » et « social » réclame, imperturbable, un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Alors même que les émissions de gaz à effet de serre de l’aéronautique, ravageuse de couche d’ozone, mais au kérosène néanmoins détaxé, mettent le climat en péril et que 84 % de la population mondiale ne prend jamais l’avion. Le parc automobile mondial, lui, a plus que doublé entre 1980 et 2010, mais c’est presque le cas aussi de celui de la France. Au bénéfice de qui ?

Le pic de consommation électrique annuel des Français est passé de 44,1 GW en 1980 (9 déc.) à 92,4 GW en 2009 (7 janv.). Vit-on mieux pour autant ? En 1970, quand les Français, avant l’électronucléarisation forcenée du pays, se bornaient à consommer leur part d’une planète et non de trois — bref, qu’ils ne volaient pas les 2/3 de leur part aux autres — ce pic était de 17,1 GW. Etait-ce l’âge des cavernes ? La chapelle Sixtine ne fut-elle pas peinte à la lueur de torches ? le Capital de Marx, écrit à celle de bougies ?

Si l’impératif d’une « reconversion » énergétique fait à peu près l’unanimité, la question des délais de transition divise.

Aux experts patentés ou autoproclamés qui posent en évidence que cela « prendra du temps », on peut rétorquer que désormais le temps manque. Et rappeler par exemple la bataille de Midway, en juin 1942. Première victoire des Etats-Unis dans le Pacifique, elle opposa 4 des 6 porte-avions japonais à 3 porte-avions US. Le 3e porte-avion américain, qui fit la différence, n’aurait jamais dû prendre la mer : réduit à l’état d’épave flottante, il nécessitait, selon les experts, 3 à 6 mois de réparations. Gradés, ingénieurs, mécaniciens, tout le monde s’y mit... et moins de 72 h plus tard, le porte-avion reprenait la mer.

Plus généralement, la reconversion industrielle-éclair opérée par la population des Etats-Unis pendant la 2e guerre mondiale montre bien l’ampleur des transformations possibles en cas d’urgence perçue et de rupture assumée, quand l’initiative de chacun est libérée.

C’est vers ce type de « mobilisations », pour éviter cette fois guerres et nouvelles catastrophes majeures, qu’il importe maintenant de tendre d’urgence.

Notes

[1le discours creux, c’est le discours typique des politiciens : vous le remplissez avec vos propres idées et vous êtes donc content du discours tandis que ceux qui l’ont dit ne se sont engagés à rien.

[2SDN est sise à Lyon, dirigée par le salairé gourou du consensus mou : Philippe Brousse et son acolyte trésorier l’escroc en chef Daniel Roussée, au CA de SDN sous la casquette des Amis de Terre Midi-Pyrénées.

[3Philippe Brousse et ses amis ont toujours réussi à faire gagner la décision immédiate de sortie sur l’arrêt immédiat, c’est-à-dire la poursuite du nucléaire, voir la Coordination Stop Nucléaire.

[4Bien sûr, ils vont répondre le contraire prenant des exemples de consultations ; or une consultation n’est pas décisionnelle et surtout n’imaginez pas qu’une décision allant contre leur vision puisse être prise dans "leur" démocratie interne.

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