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Livre : "la mentalité américaine, au-delà de Barack Obama", par Howard Zinn

lundi 7 février 2011, par Puissance Plume

L’éditeur Lux à Montréal a réunit trois textes d’Howard Zinn en un petit livre intitulé "la mentalité américaine", sous-titré "au-delà de Barack Obama". En trois textes courts, nous avons un aperçu de la mentalité américaine, de l’histoire et de la nécessité de la désobéissance civile aux Etats-Unis, du refus de renoncer. Howard Zinn, historien des résistances, a été professeur de science politique à l’université de Boston pendant plus de quarante ans.


sommaire


Présentation par l’éditeur

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Cliquer pour voir le livre sur le site de Lux

Au-delà de l’élection de Barack Obama se pose la question de la mentalité politique américaine. L’histoire des États-Unis, rappelle Howard Zinn, a forgé des dispositions politiques qui freinent le progrès social et briment la liberté, et d’autres qui les rendent possibles. Le contexte politique actuel exige plus que jamais qu’on sache les distinguer.

Dans ce pays, on grandit avec l’idée que le peuple américain est une grande famille unie, qui partage les mêmes intérêts, où les enjeux vitaux de la nation signifient la même chose pour tout le monde. C’est cet état d’esprit qui envoûte et accable la population, qui a permis une suite ininterrompue de guerres, et qui bloque toute véritable discussion sur les inégalités sociales.

Dans les textes que nous présente Howard Zinn, rassemblés et traduits en français pour la première fois, on redécouvre que c’est grâce aux luttes pour la justice, et non au patriotisme de pacotille, que la liberté fut établie et préservée aux États-Unis.


Au-delà de Barack Obama (Beyond Obama)

Ce texte écrit en 2008 pour une conférence après l’élection présidentielle du président des Etats-Unis, est un vibrant hommage au peuple américain qui conduit ses luttes sociales et spirituelles, mais qui mise trop sur "le mythe du chef".

Il faut se pencher sur un aspect de notre mentalité : l’attente d’un sauveur, d’un chef qui fera le nécessaire. Voilà qui est dangereux. Personne au sommet de la pyramide ne fera le nécessaire. Ce ne sont pas les initiatives des présidents, du Congrès ou de la Cour suprême qui ont amélioré la société, mais plutôt l’action des gens ordinaires.

Mais surtout le passage marquant de ce texte se situe à mon sens dans la considération de la déclaration d’indépendance :

Mark Twain, l’un de nos grands auteurs, faisait la différence entre le gouvernement et le pays. "Le patriote est celui qui défend son pays tout le temps et son gouvernement quand il le mérite". La Déclaration d’indépendance, texte philosophique fondateur de la démocratie américaine, marque clairement cette distinction en affirmant que les gouvernements sont établis par le peuple, dont ils sont la création, et existent en vue de l’accomplissement de certaines fins, dont le droit pour tous à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur. La Déclaration d’indépendance stipule que "toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir, et d’établir un nouveau gouvernement".

Le texte de la Déclaration d’indépendance est publié chaque année dans les journaux nationaux. Mais les américains ne se servent pas de ces passages, ils ne sont pas mis en lumière par les médias. Le peuple américain a tendance à l’oublier ou ne pas l’utiliser. Pourtant, tout y est dit. Zinn explique cependant que tous savent que la fondation des Etats-Unis a été faite par les blancs pour les blancs : ces belles phrases et beaux sermons n’ont pas représenté la même chose pour tout le monde. C’est à la fois un historien et un penseur qui s’exprime.


La loi et la Justice (Law and Justice)

C’est un texte philosophique essentiel écrit en 1990 qui traite de la désobéissance civile sous ses aspects concrets. D’une part Zinn est un historien : il aime visiblement raconter des histoires, il aime raconter l’Histoire. Son oeuvre est peuplée d’anecdotes qui construisent la pensée. Les acquis sociaux aux Etats-Unis ont été le fruit d’actions de désobéissance civile. Il y a eu diverses périodes et celle qu’il a connu plus personnellement est celle de la guerre au Vietnam, période pendant laquelle plus de 500 000 jeunes hommes ont refusé la conscription.

D’autres part, Zinn est un penseur sensible, citoyen aimant son pays et son peuple. Il décrit la nécessité de la désobéissance civile, il examine dans quel cas elle peut être utilisée, dans quelles situations elle a été sévèrement sanctionnée, dans quelles circonstances elle a portée ses fruits sans heurts.

Zinn examine également à la loupe les défauts de fonctionnement de la démocratie américaine : la Cour Suprême, le Congrès qui ne se sont jamais opposés à une entrée en guerre décidée unilatéralement par un président.


En 1929, l’éminent juriste John Henry Wigmore s’est prononcé sur l’importance pour la justice du verdict d’annulation par un jury :


Il est inévitable que, de temps à autre, la loi et la justice entrent en conflit. Cela s’explique par le fait que la loi est une règle générale. [...] Au moment de ses délibérations confidentielles, le jury adapte la règle générale de la loi à la justice du cas particulier qui lui est soumis. [...] Le jury et le secret de la salle des jurés sont les éléments indispensables de la justice populaire.


Du refus d’abandonner (Failure to quit)

Ce texte a été inspiré par les étudiants de Howard Zinn. Il observait chez eux une certaine apathie, une indifférence aux problèmes sociaux et philosophiques qui se posaient dans la démocratie américaine. Alors il a écrit ce texte "Failure to quit" dans l’esprit de pouvoir faire référence à un livre lorsqu’il serait embarrassé ainsi.

Zinn examine les périodes de silence dans l’histoire des Etats-Unis, des périodes où semble-t-il plus personne ne réagit, plus personne ne proteste, il se constate un climat de résignation global. Simplement, pour lui, ces périodes ne sont pas des périodes d’inactivité, puisque par le passé, il a suffit des épisodes ponctuels d’actions de désobéissance civile ici ou là pour engendrer un mouvement de grande ampleur suite à une période d’acalmie.


Quand, trop souvent, on me dit qu’il ne faut pas s’attendre à de grands changements de la part de la jeune génération d’aujourd’hui, je me remémore le désespoir qui régnait au tout début des années 1960.

Failure to quit est le chef d’accusation retenu contre 550 personnes effectuant un sit-in de protestation devant un édifice fédéral de Boston, au moment de l’annonce du blocus du Nicaragua par l’administration Reagan. On leur a donc reproché de "ne pas vouloir s’en aller". Failure to quit a un double sens : c’est aussi le refus d’abandonner qui caractérise leur action. Les poursuites ont été abandonnées devant le nombre de personnes à faire comparaître.

Il va sans dire que l’histoire ne repart pas de zéro chaque décennie. Toute époque récolte les fruits d’époques précédentes.


Informations annexes

Howard Zinn (1922 - 2010) a écrit Une histoire populaire des États-Unis, un "best-seller" pour employer un terme anglophone.

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