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Déroulé du conseil communautaire Cap Lauragais du 20 janvier 2015
vendredi 23 janvier 2015, par
Déroulé du conseil communautaire Cap Lauragais
Fred Boutet – 20 janvier 2015 à Montclar-Lauragais
Depuis douze ans que j’habite ici, c’est la première fois que j’observe l’annonce d’un conseil communautaire sur le panneau d’affichage municipal. On a droit à l’ordre du jour, mais pas aux annexes qui l’accompagnent. C’est aussi la première fois que j’assiste à une réunion de Cap Lauragais. Le rendez-vous est à 18h00 à la salle des fêtes de Montclar. J’y suis à 17h58.
Ils sont au fond, une quarantaine de personnes sont assises face à la tribune présidentielle, au centre de laquelle trône le Prez’. Ce dernier me jette un regard interrogateur mais je m’en détourne : je cherche calmement, tout en avançant, une possibilité pour m’asseoir. Au dernier rang des spectateurs, j’observe deux conseillers municipaux de Montclar-Lauragais, une chaise est libre à côté d’eux, je m’y asseois. La séance démarre sur les chapeaux de roue. Ça va durer 35 minutes, pas une de plus.
Il faut désigner un secrétaire de séance. Alors je vais désigner M. ?, de St-Germier. Ça vous va ? Alors c’est bon. Et Pierre Izard passe au sujet principal de la séance : la création d’un service urbanisme. Je synthétise ici l’origine de cette proposition d’après ce que j’en ai compris : la loi Alur met fin au 1er juillet 2015 à la mise à disposition gratuite des services de l’État en matière d’Application du Droit des Sols (A.D.S.) à toutes communes compétentes dès lors qu’elles appartiennent à une communauté de 10 000 habitants et plus. La loi dit donc que pour instruire un permis de construire, si l’on veut bénéficier des services de l’État, il faudrait payer. Sauf que l’État n’est pas parti pour cette réforme-là, celle qui est inscrite dans la loi : il ne veut visiblement pas mettre en place un service payant, il veut cesser d’instruire, pour que les communautés de communes créent et gèrent elles-mêmes le service A.D.S. Le « désengagement » de l’État est ainsi massif. Il équivaut à un « déplacement » sur trois ans de 1 218 « équivalents temps plein » des DDT aux collectivités territoriales et leurs groupements(*). Cela signifie des économies de charges pour l’État et de nouveaux impôts locaux pour les particuliers bien entendus. Et surtout, cela instaure une relation monétarisée client-fournisseur entre la commune et sa communauté de communes, là où il y avait un service et des échanges gratuits avec l’État.
Il y a trois types de communes pour nous :
celles concernées au 1er juillet 2015 : dix communes devraient payer les services puisque selon les textes, c’est la « fin de la mise à disposition gratuite » : Avignonet-Lauragais, Beauteville, Gardouch, Lux, Renneville, Saint-Vincent, Villefranche de Lauragais, Villenouvelle (+ 3 autres que je n’ai pas pu noté).
Celles ayant un P.L.U. en cours d’instruction subiraient cette loi une fois leur P.L.U. Validé : Cessales, Lagarde, Montgaillard-Lauragais (et sûrement d’autres)
Celles n’ayant pas de P.L.U. tomberaient sous le joug de cette réforme au 1er janvier 2017 : Montclar-Lauragais, Saint-Germier, Saint-Rome, Mauremont, Rieumajou (et peut-être d’autres).
Alors Pierre Izard, en fidèle soldat du capitalisme débridé, propose de créer un service « urbanisme » à Cap Lauragais, pour rafler le marché qui s’ouvre à lui, en situation de monopole, et instaurer avec les communes des relations financières de fournitures de services d’instructions de permis de construire. Comme chaque fois pour installer un nouveau service avec de nouveaux impôts, Pierre Izard cherche à faire le plus vite possible, surtout ne pas réfléchir, ne pas remettre en cause ce qui tombe de l’État. Il s’agit de créer CE SOIR un groupe de communes qui voudront bien payer pour embaucher et entretenir du personnel à Cap Lauragais pour instruire les permis de construire.
Cap Lauragais ne facturerait pas aux particuliers, mais aux communes. Ces dernières ne pourraient pas faire appel à des sociétés privées. Ces deux affirmations du président sont à vérifier. Si c’est ainsi, on ne peut pas encore appeler cela une privatisation. Chaque chose en son temps. Mais par contre, on peut dire que l’esprit de la réforme est une privatisation. C’est l’esprit qui est d’abord contaminé par l’idée de la relation client-fournisseur, tout en exposant son contraire à tout le monde.
Avec les dix communes du premier groupe, qui se voient mettre le couteau sous la gorge avec la date du 1er juillet 2015, ils ont envie de commencer à embaucher un poste d’instructeur et un poste de secrétariat, à temps plein. Ils appellent cela « services mutualisés » pour faire plus « solidaires ». Pourtant, ne se mettraient en place que de simples relations marchandes entre clients – les communes – et fournisseurs – le service urbanisme de Cap Lauragais – où la solidarité s’exprime peu, on le sait.
Pas une seule fois, on se demande combien cela coûterait aux communes. Par ailleurs, celui qui bénéficie du service, c’est le particulier qui demande un CU. Or, à Cap Lauragais, ils sont partis pour faire payer tous les habitants de la commune. Quoi de plus injuste ? Si la décentralisation devait être bien faite, elle serait juste. Au passage, j’en profite pour reformuler ma question lancinante : quand va-t-on arrêter de construire des nouveaux logements sur des terres agricoles ? Quand il n’y aura plus de place ? Mais laissons cette question embêtante pour une autre fois.
Quand Pierre Izard donne la parole à M. Bergougnan (directeur adjoint urbanisme et informatique à l’ATD 31, Assistance Technique Départementale), il se moque de lui, et tout le monde rit de bon cœur, surtout M. Bergougnan. À peine M. Bergougnan a-t-il commencé sa présentation, avec projection de diapositive sur la loi alur à l’écran, que Pierre Izard lui coupe la parole et reprend : « Je suis prêt à prendre la responsabilité de cela. Seulement, il faut que vous m’en donniez les moyens. Il me faut votre approbation ».
Il y a examen d’un tableau livré en annexe de la convocation à la réunion. Ce tableau donne, pour chaque commune, les CU (Certificats d’Urbanisme) délivrés en 2012 et 2013. Immédiatement, Pierre Izard installe dans l’assemblée l’idée de rentabilité : pour que la création du service urbanisme à Cap Lauragais soit rentable, il faudrait que les grosses communes souscrivent. Pierre Izard souhaiterait qu’Avignonet-Lauragais, avec 40 CU en 2013 , souscrive mais il pense que cela ne se fera pas. « Attendez, je vous lirai la lettre du maire d’Avignonet ». Bien entendu, Villefranche avec ses 101 CU en 2013 va souscrire. Ainsi de suite, on lit les chiffres des communes et on évalue les bons élèves qui vont participer à la création du service.
P. Izard énonce son objectif pour Cap Lauragais : atteindre 20000 habitants. Pourquoi ? Dans quelles conditions de vie et de solidarité ? On ne sait pas ! Mais on se doute que cela n’ira pas dans le bon sens ! Après avoir affirmé la place centrale de Villefranche de Lauragais, le président se met à lire à toute allure la lettre de M. Pagès, d’Avignonet-Lauragais. Lequel regrette de ne pas pouvoir être présent au conseil communautaire. Izard commente en disant que « depuis l’histoire du centre de loisir, ça ne va plus ». Ensuite, la lecture de la lettre est tellement rapide, et coupée à chaque phrase d’un commentaire incompréhensible, que de l’ensemble, je n’ai strictement rien retenu sauf un commentaire d’Izard : « de toutes façons, je n’ai pas le choix ». Qui était aussi le commentaire de Maurice Papon. En réalité, on a TOUJOURS le choix. Il faudrait donc voir au calme quels arguments M. Pagès développaient dans sa lettre, arguments qui, à coup sûr, ne vont pas dans le sens de la création autoritaire du service urbanisme par M. Izard.
Ensuite, Pierre Izard se livre à une attaque préventive de style paranoïaque envers celles et ceux qui ne seraient pas d’accord avec sa vision. « Vous serez obligés de », « on ne pourra pas avoir du désordre dans l’urbanisme », et puis cette pépite : « je sais bien que vous refusez pour avoir la liberté » où il s’invente un adversaire qui n’est pas là, il s’invente l’adversaire qui lui convient, il fabrique lui-même sa propre contestation.
Des questions ?
Un type fait remarquer qu’entre 2012 et 2013, d’après le tableau, le nombre de CU délivrés a considérablement baissé. « C’est la crise économique » répond Izard. Le Monsieur voudrait bien disposer des chiffres 2014 pour voir l’évolution récente. Mais Izard se défile. Le Monsieur remarque enfin que ne sont pas comptabilisés les CUa (les CU déclaratifs). Tous ces détails sont évacués en moins d’une phrase, une périphrase tout au plus. Le plus court possible c’est : « on verra ». Mais cela n’a pas l’air de gêner celui qui a fait les remarques.
Maintenant, on passe au vote. Izard insiste avec « sur le principe », on vote « sur le principe de la création du service urbanisme », manière de dire que ce qu’il demande, c’est pas grand chose. « Levez la main ». Une quinzaine de mains se lèvent. Personne ne compte. Les bras tombent, « pas de contre », « pas d’abstention », « parfait ». La phase de vote a duré moins de dix secondes.
« On passe au marchés ». On est d’accord. Pas de remarques.
« Orientation budgétaire ». Une dame et un homme qu’il appelle « Bernard » vienne à la tribune présidentielle. La dame prend la parole, on entend rien. Elle énumère les principaux postes du budget 2015 : le centre de loisir, la zone d’activité économique. Izard reprend : « il n’y a pas d’augmentation de personnel en nombre ». On se demande s’il parle du budget à venir ou du passé. Mais personne ne l’interrompt pour savoir pourquoi il dit cela à ce moment-là. Et puis son téléphone sonne, il répond. À haute voix, « je suis en conseil communautaire, on verra ça demain ». Un répondeur pourrait dire la même chose et la séance ne serait pas interrompue...
La discussion revient sur le centre de loisir. La dame se trompe dans un chiffre. On rigole dans les coins qu’elle se soit trompée. Pierre Izard : « c’est pénible les femmes ». Ça rigole plus fort un peu partout, y compris la dame, qui dit « vous avez bien raison ! » tout le monde rigole de bon cœur tandis que Izard dit qu’il va expliquer cela à sa femme ce soir. On apprend quand même que depuis l’ouverture, « 65 dossiers pour le centre de loisirs ont été retiré depuis vendredi ». Et Pierre Izard de lancer « Ah ils en veulent ! ah ça mord ! », qui signifiait : le marché est juteux.
Un homme demande alors quelque chose à propos du « programme trottoir », parce qu’il a reçu une plainte... « Je sais » l’interrompt Izard. Il élude et hop, « plus de question diverses ? ». On fixe la date de la prochaine réunion : 19 février à Montesquieu, salle du conseil (est-ce qu’on rentre à tous ? Oh oui, on se serrera). Personnellement, je m’asseoirai à côté de Pierre Izard, pour mieux rigoler à ses blagues.
En conclusion, il ne me vient que cette phrase de René Char, 1944 dans le maquis : « Il faut surmonter notre rage et notre dégoût. Il faut les partager pour élever notre morale comme notre action ». Si vous voulez recevoir ce genre de compte-rendu, écrivez-moi à fred.boutet (atro@@) b.fr) ase@)) wanadoo.fr.
(*) "Instruction des autorisations d’urbanisme - Les enjeux d’une nouvelle organisation locale" - AMF et AdCF -
http://www.maireinfo06.fr/webroot/fichiers/documents_actualites/AMF_12733_ETUDE-20140918.pdf