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APPEL POUR UNE RENCONTRE : COMMENT OSER LE POLITIQUE ? ÉCOLOGIE RADICALE ET POLITIQUES LIBÉRATRICES

samedi 14 décembre 2013, par Puissance Plume

Ce texte "Appel Eco Liberté" a été publié sur http://appelecoliberte.over-blog.com. J’en suis un co-auteur. Si vous avez une intention similaire à ce texte, de construire un système politique en doublure du système actuel, internationalement, ayant pour finalité de remplacer l’actuel, alors écrivez-nous à appelecoliberte (arrau-base] librement [poing) org.

APPEL POUR UNE RENCONTRE : COMMENT OSER LE POLITIQUE ? ÉCOLOGIE RADICALE ET POLITIQUES LIBÉRATRICES

En guise de prévention et de préambule :

« Les coupeurs de cheveux en quatre m´ont fait peur… » (Georges Brassens)

Que vous soyez partisan ou partisane d´une démocratie directe, inclusive, du municipalisme libertaire ou d´une démocratie insurgeante, …

Pourquoi cet appel ?

Le but de cet appel est de rassembler des personnes du monde entier, ayant conscience :

que le système économique, politique et social en vigueur est traversé en entier, et jusque dans nos espaces privés, par une seule et unique « valeur » qui nous a été imposée : la domination et son corollaire, la possession par l´argent ;

que pour le capitalisme qui l´incarne, son vecteur politique, la démocratie représentative, en est l’expression la plus performante ;

que l´exploitation tous azimuts qui en découle, voire la guerre qui la sous-tend, nous mène tout droit vers les misères humaines les plus extrêmes, inimaginables même, la pollution et la destruction non seulement du tissu social, mais aussi celle, irrémédiable, de la biosphère qui nous protège ;

qu´arrivés au point où nous en sommes, toute réforme partielle ou insuffisamment profonde de ce système est inutile, voire perverse, par rétro-alimentation de ce dernier ;

que cela implique logiquement un bouleversement des structures actuelles mais aussi de notre façon de penser et d´agir, parce qu´au-delà de la nécessité de nos luttes justes et légitimes, il ne s´agit plus de geindre et de revendiquer mais plutôt de créer, de substituer ;

que nous devons réfléchir pour proposer la mise en place, dès maintenant, internationalement, de structures sociales et politiques horizontales, autogérées et solidaires, en vue d´éradiquer toute forme de domination, donc d´exploitation ;

que seulement à partir de là nous pourrons reprendre en main la mesure de nos besoins réels et des moyens énergétiques et technologiques appropriés pour y parvenir, afin que tout le monde puisse se réaliser comme être humain et comme société, une société en symbiose avec les écosystèmes du monde naturel.

Ambitieux, sans doute. Mais le défi ne nous laisse pas de choix. C´est à cette réflexion et à ce défi que nous vous invitons.

État des lieux

L´histoire nous enseigne que, depuis le début de l´industrialisation, le sujet le plus visible de l´exploitation a été l´ouvrier, même si sa compagne l´a été davantage. Mais du fait de cette exploitation collective, directe, dans les usines, les champs et les ateliers avec sa cohorte de misères, les ouvriers se sont vite sentis comme étant la classe exploitée et se sont organisés en syndicats pour se défendre de leurs exploiteurs, mais pas seulement. La classe ouvrière était la classe porteuse de l´espoir du changement, en vue d´une société rationnelle où toute exploitation serait bannie. Et même si, en 1917, la révolution russe finit par trahir la classe ouvrière, elle resta longtemps encore porteuse du flambeau. Toutefois le génocide de la classe ouvrière de la Région espagnole en 1936, de la main de Franco aidé par les puissances les plus réactionnaires du monde entier, sonna le glas de la plus grande révolution ouvrière des temps modernes [1].

Mais ce ne fut pas seulement le bâton qui finit par porter le coup de grâce à cette conscience de classe. Depuis quelque temps déjà, et d’abord aux États-Unis, pointait la carotte de la consommation. La colonisation aidant, grâce à une mondialisation croissante de l´exploitation des ressources naturelles et humaines exacerbée par des technologies de plus en plus performantes, l´ouvrier occidental devenu consommateur de toutes sortes de produits (manufacturés, de confort, de déplacements…) acquit, en Occident, pour le plus grand nombre, un statut de privilégié par rapport aux classes les plus défavorisées du reste de la planète — ce qu´on n´a jamais manqué de lui faire remarquer même si les poches de misère subsistent et même s´accentuent dans les pays du premier monde. Les délocalisations incessantes, le travail à la carte, la précarité de l´emploi distribué parcimonieusement, les cols bleus, les cols blancs, les crédits, le travail à domicile grâce à Internet, tout cela aboutit à la dislocation de la conscience de classe du monde ouvrier. De plus, les technologies nouvelles efficientes finissent, dans le désordre des choses actuelles, par écarter un trop plein de main-d´œuvre. Cette dernière, qui auparavant était intégratrice malgré l´exploitation, devient donc, de nos jours, facteur d´exclusion. Il n´en fallait pas moins pour que la conscience de classe, dans ce capharnaüm, se trouve fortement évincée parallèlement à la dégradation du tissu social.

Le moment du politique contre l´État

Le déplacement du sujet

Il n’est dès lors pas étonnant que depuis les années 1960, progressivement, le travail ne conforme plus la vie des gens comme il le faisait auparavant. Le sujet qui se révolte ne le fait plus principalement comme ouvrier, mais comme personne ou plutôt comme peuple, comme gens, tout court. L´aliénation dépasse désormais la notion de classe. Fin donc du mouvement ouvrier identitaire.

Pendant ce temps, la classe dominante est en voie de gagner la « guerre » des classes – comme le disait Warren Buffet [2] – parce qu’elle est solidaire et suffisamment organisée, et parce que, selon une approche sartrienne, elle est « la seule classe sociale en soi et pour soi ». Sa « victoire » s´assoit sur la misère économique et/ou morale des 99% et sur la destruction des écosystèmes naturels.

Déplacement donc du sujet, mais aussi glissement du lieu et du contenu de la contestation. Croissance qualitative des mobilisations qui, de la contre-culture et des contestations des années 1960, s´orientent de plus en plus vers la recherche d´alternatives, non seulement dans le champ du social, mais, fait nouveau, aussi dans le champ du politique (voir les Indignés).

Vers la dé-légitimité de la politique des partis

Actuellement, dans la plupart des pays dits démocratiques, le pouvoir politique est légitimé par une « citoyenneté » limitée dans son « action » au simple fait de voter, de plus en plus exigüe avec une moyenne de 40% d´abstention des votants inscrits. La grande majorité de ces derniers ont tourné le dos à la politique par lassitude et écœurement, le boycott conscient restant celui d´une minorité. Mais force est de constater, dans ce champ politique de nature étatique, une inquiétante progression des intégrismes, notamment religieux, faisant écho à ceux du social, l´extrémisme de droite étant la carte ultime des classes dominantes pour brouiller les pistes et ainsi conserver le pouvoir.

La raison du politique

Actuellement le champ du politique est réduit à une peau de chagrin, séquestré par les partis structurés pour la prise du pouvoir dans l´appareil hiérarchique de domination par excellence que représente l´État. Autonome par rapport aux champs du social et du privé, il ne cesse de les juguler et de les diriger pour les livrer à la voracité du capital.

Dans la nouvelle appréhension du champ du politique, ce dernier perd son autonomie par rapport aux champs du social et du privé. En fait, il en devient l´émanation, sa voix, son expression directe. Certes il les englobe mais il s´y enchâsse, s´y enracine, s´en nourrit. Il devient lieu de confluence, de convergence, de coordination et de synergie des luttes, contre toutes sortes de discriminations et de dominations. Mais pas seulement ; les nombreuses expériences autogestionnaires alternatives réalisées dans le domaine du social, souvent limitées mais de plus en plus présentes, souvent par nécessité (occupations d´usines, de logements, jardins urbains, AMAPS, etc.…), en se coordonnant cette fois avec les luttes et les inquiétudes issues du social, s´autofécondent et déterminent une action politique autogestionnaire. Dans cette perspective, la politique n’est plus une technique de détention du pouvoir et son exercice, mais au contraire elle étend le pouvoir de créer et permet l´application de l’autogestion de la société par ses membres.

La politique de la raison

Le champ politique redescendu dans la rue, dans les places, retrouve ainsi sa dimension et sa fonction, le lieu des débats, d´apprentissage des relations horizontales et des prises de décision sans délégation de pouvoir. Les citoyens de cette démocratie retrouvée font leur le champ du politique, comme lieu de ré-enchantement de l´humanité puisque lieu privilégié de rencontre, de communication, d´échanges de savoirs et surtout du pouvoir de décider des affaires qui les concernent et nous concernent toutes et tous, dans tous les domaines de la vie. Ils reprennent aussi la responsabilité des retombées de leurs décisions concernant leur relation avec les autres communautés humaines et avec les communautés naturelles, les écosystèmes et leur biodiversité.

L´assemblée, siège des institutions démocratiques, redevient alors l´école du politique pour et par la citoyenneté de toutes et tous. Dans les grandes villes, il nous faudra « éclater », littéralement, les continuums urbains pour permettre une relocalisation économique et politique. Quartier par quartier, vont se créer des relations de proximité, de mise en commun de logements, de machines, d´outils, de connaissances, de tâches, comme s´il s´agissait d´un village, au niveau de l´assemblée pour le domaine public ou en groupes plus restreints pour des activités qui ne concernent pas tout le monde… La désignation des personnes non professionnelles chargées d´exécuter les décisions prises avec le maximum de consensus lors des assemblées régulières, se fera par tirage au sort.

Les prises de décision se décentralisent et se fédèrent avec les autres quartiers, puis avec les autres municipalités, afin d´assurer une maîtrise de ces décisions. La nouvelle organisation politique mondiale chercherait à s´articuler par le biais d´une confédération de groupes autonomes aux niveaux régional, avec pour but de s’étendre et de développer son influence et les possibilités d’administration de sa base. Dès le départ nous chercherons à doter chacun de ces groupes confédérés d’une Constitution, qui leur soit propre, adaptable et modifiable en tout temps, et d’ainsi institutionnaliser la nouvelle forme d´organisation politique et sociale qui petit à petit prendra la place de l´ancienne, désormais caduque. S´institutionnaliser n´étant pas opposé à évoluer, bien au contraire. Il s´agit plutôt d´une reconnaissance des acquis pour éviter un recul mais aussi d´une affirmation de la possibilité pour le peuple de se révolter si ces acquis sont menacés, ainsi que le reconnaissait la Constitution lors de la Révolution française de 1793.

La stratégie du double pouvoir

Il est évident que la mise en place de ce nouveau pouvoir ne va pas se construire du jour au lendemain, étant donné l´inertie actuelle des citoyens en herbe, fomentée par le discrédit du politique monté en neige par les professionnels de la politique. Il va se construire en opposition au statu quo actuel et aux pouvoirs en place de tous genres (économiques, culturels, médiatiques, politiques, etc.). Nous aurons donc un double pouvoir : le nouveau apparenté à la démocratie directe, constitué collectivement, qui essayera de rogner sur le second, le représentatif ou aristocratique, assis sur la rapine et la violence, jusqu´à le pousser dans ses derniers retranchements ; jusqu´à ce qu´il perde toute légitimité. Il s´agira donc d´éviter le plus possible de tomber dans leur panneau, celui de l´affrontement violent. La seule perspective générale de lutte ayant une issue possible est la non-violente, celle de la créativité politique sociale et personnelle en évitant la violence que les puissants exercent quotidiennement sur le peuple par la propriété, la privatisation galopante pour une possession toujours plus grande des moyens de production et de gestion. N´oublions pas toutefois que la démocratie ne porte pas en elle-même l´idée de la suppression de la propriété privée mais elle suppose implicitement sa limitation puisqu´elle stipule le pouvoir de toutes et tous à égalité sans qu´intervienne la pression des puissances qui incarnent un titre à gouverner, comme la naissance, la religion, la richesse ou la branche professionnelle.

Écologie sociale

L´Écologie sociale, telle que nous l´entendons, est un outil considérable pour une analyse rationnelle et dialectique de la relation des sociétés humaines avec la nature. Les déséquilibres écologiques ont pour origine les injustices sociales. Ce qui fait la richesse et la capacité à perdurer d´un écosystème, c´est sa biodiversité, la complémentarité des éléments différents qui le composent. Si l´on veut un système social vivant et durable, c´est sur ces dernières bases qu´il doit se constituer, afin de rejoindre et de s´intégrer, s´inclure, se fédérer dans le grand ensemble que constitue le domaine du vivant.

L´Écologie sociale devient ainsi un outil indispensable pour penser la nouvelle ville décentralisée, une fédération de villages pensée comme un écosystème, un organisme vivant qui respire, qui digère et qui recycle ses propres excréments tout en produisant au maximum son autonomie énergétique, avec son propre système circulatoire. Pour ce faire, nous ferons appel aux connaissances historiques en matière d´urbanisme comme le furent la tradition des « Cités Jardins », dès le XIXème siècle, les dés-urbanisateurs dans l´URSS des années vingt, les écologistes libertaires des années trente en Espagne, etc. Mais les bases de ces réalisations seront en grande mesure fécondées par les réalisations alternatives actuelles, comme les jardins collectifs urbains, les banques de semences paysannes traditionnelles, les AMAPS, les Villes en Transition, etc. Il en va de même pour les questions relatives à l´industrie et à la production des autres biens indispensables aux nécessités et besoins que comporte la vie humaine.

Une économie inclusive et démocratique de base.

Le refus de l´économie de marché, de la propriété privée des moyens de production, en même temps qu’une économie de planification centrale, nous conduit à chercher du côté de l´autogestion d´une économie distributive. Une économie démocratique inclusive et socialisée est indispensable â la démocratie directe, car celle-ci ne peut s´envisager sans qu´on lui consacre du temps. Ses réalisations ne pourront avoir de succès réel qu´intégrées dans une économie socialisée, dirigée non pas par les seuls travailleurs mais par l´ensemble des citoyens. L´articulation de cette économie pourra se réaliser grâce à des Conseils de consommateurs et des Conseils de travailleurs, en fonction de leurs besoins réels au sein de coopératives municipales, faisant elles-mêmes partie d´une Fédération puis d’une Confédération de coopératives, afin de combler les éventuelles déficiences des plus défavorisées d´entre elles et pour contourner les carences d´une autarcie maladive, non souhaitable. Si le gros de l´économie comme les modes de production seront soumis au politique, rien n´empêche une articulation avec des décisions plus restreintes du domaine social (mises en commun de logements, d´outils, de savoirs, de tâches non productives, etc.). Reste à étudier les modalités pratiques des échanges à l´intérieur des communautés humaines, qui se feront par bons, monnaies locales, etc. À cet égard les expériences actuelles des SEL et autres systèmes alternatifs, ou des propositions comme l´Ecopart [3], nous montrent des voies tangibles. L´essentiel est d´éviter le retour à l´accumulation capitaliste, aux hiérarchies de pouvoir et aux injustices.

Osons notre présence dans le champ politique

Ce texte n´a aucune prétention à donner des leçons et encore moins à s´imposer. Il se veut simplement une ébauche de discussion assez large pour rassembler, pour réfléchir sur les modalités de la mise en route d´une démocratie directe dont le qualificatif importe moins que le fond. L´actuelle situation politique, sociale, économique et écologique requiert un sursaut qualitatif sans précédent. Pour abattre le capitalisme, il nous faut plus qu´une effervescence enthousiaste et spontanée, même massive, née de bonnes intentions et de pratiques justes. L´histoire nous montre qu´elles restent sans lendemain, parce que nées seulement de quelques échanges de mots d´ordres séduisants sur les réseaux sociaux. N´ayant mûri nulle part, sans une pratique politique portant sur des bases solides, survient la déconvenue par manque de résultats immédiats. Le plus grave étant que cette déconvenue porte à renforcer la croyance hâtive, à la mesure de l´effervescence, qu´aucun changement n´est possible (voir Occupy Wall Street ou Les Indignés, etc.).

Cette tâche qui nous incombe est celle d´une élaboration, d´une construction relationnelle sur le long terme, avec une perspective qui embrasse les expériences du passé et un futur possible, capable de ré-enchanter le social comme le politique et le privé. Seule notre capacité à changer la vie de tout un chacun, ici et maintenant, et au-delà des cercles restreints du militantisme, grâce aux résultats tangibles obtenus petit à petit, par notre effort et notre détermination soutenue, pourront décoloniser l’imaginaire capitaliste. Mais c´est bien parce qu´en chacun de nous se seront ancrées, grâce aux nouvelles pratiques relationnelles autogestionnaires, d´autres valeurs émotionnelles basées sur la confiance en la réciprocité et l´entraide, que nous pourrons envisager un nouvel imaginaire collectif crédible.

L’idée n’est pas nécessairement de parvenir à une déclaration adoptée et à des stratégies précises d’action dans un premier temps. Une rencontre internationale viserait à saisir si, à la lueur des débats, le fruit est mûr pour mettre en place une Internationale politique alternative de rupture, épaulant et élargissant les initiatives locales déjà mises en place, comme les zapatistes au Chiapas, etc.

Puisse cette rencontre déboucher sur cette tentative d´une nouvelle Internationale politique vivante, loin des luttes de partis et de personnes.

3

Notes

[1Il s´agissait pour les puissants de tous bords, URSS comprise, de détruire à feu et à sang une classe ouvrière trop consciente, de détruire toute perspective d´une société autogérée qui changeait la donne dans les principaux aspects de la vie sociale et économique et qui pourrait faire tache d´huile dans les pays voisins.

[2

« Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner ».


Déclaration de Warren Buffet à la chaîne américaine CNN, 25 mai 2005. Déclaration reprise par le New York Times du 26 novembre 2006.

[3« The Political Economy of Participatory Economics » de Michael Albert et Robin Hahnel, cité par N. Baillargeon dans Les chiens ont soif, Lux Editeur, p. 290.

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