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Une "constituante" en Islande... On en parle un peu

vendredi 21 janvier 2011, par Puissance Plume

Une revue de presse sur l’élection par les citoyens de l’assemblée constituante en Islande le 27 novembre 2010. C’est un moment vertigineux que d’observer le silence absolu que produisent les grands journaux francophones sur cet événement. C’est un silence assourdissant.

sommaire

15 février 2011 : La Cour suprême refuse de réouvrir l’invalidation de l’élection

La Cour Suprême islandaise a répondu par la négative à la demande de Gísli Tryggvason, élu à l’assemblée constituante, de ré-examiner la décision d’invalidation de l’élection de la constituante. En clair, l’élection a été invalidée et les recours ont été rejetés.

Du point de vue de l’opinion publique, si tant est qu’on puisse avoir confiance dans ces sondages, il apparaîtrait que 40% des interrogés voudraient voir validée par le gouvernement la nomination des 25 élus à l’assemblée constituante. En même temps, 20% des interrogés veulent la tenue d’une nouvelle élection tandis que 2% souhaitent que ce soit le gouvernement qui en nomme les membres [1].

Cet échec montre les difficultés à créer les conditions d’un changement démocratique pacifique dans des institutions déjà en place et forcément conservatives, il y a toujours des forces conservatives qui exercent un frein puissant sur l’évolution de la société.

Le Premier Ministre a "promis" qu’il y a aurait une assemblée constituante d’une manière ou d’une autre ! Ah les belles promesses des ministres...

24 janvier 2011 : Assemblée Constituante : Rénovation ou récupération ?

Un éditorial de l’association "Pour une constituante" se prononce sur la récupération et je suis en phase avec ce qui est écrit ! Ouf, il y a quand des gens qui ont coupé le cordon ombilical avec le culte du chef :

L’appel à une Constituante en France est devenu une figure imposée des discours de Jean-Luc Mélenchon. Promis, juré, il en convoquera une lorsqu’il sera Président. La Constituante, vue par lui, dépend donc de son élection à la tête de l’Etat.

21 janvier 2011 : aucun journal national n’en parle

Quand j’ai écrit l’article du 11 janvier Une "constituante" en Islande... Et personne n’en parle !, je n’étais pas le premier à m’en étonner. Je me rend compte que nous sommes toujours assez peu nombreux à s’en étonner ! Aucun média national ne parle du transfert des élus aux citoyens de la nomination de l’assemblée constituante en Islande. J’ai immortalisé la chose avec quelques captures d’écran quand même histoire de garder une trace de moment vertigineux.

Résultat de recherche au journal Le Monde :

Résultat de recherche au journal Libération :

Résultat de recherche au journal La Dépêche du Midi :

Résultat de recherche au journal Le Figaro :

Il est bien évident qu’il va falloir analyser ce silence.

21 janvier 2011 : l’économie, toujours l’économie

Que ce soit l’article de Courrier International du 16 décembre 2010 Islande qui rit, Irlande qui pleure ou d’autres articles que je ne citerai pas, il est toujours question d’économie. Que juge-t-on ? La croissance du PIB. Le pouardacha des ménages. Les taux d’inflation. Les banques toujours les banques. Et les agences de notation des Etats dont les règles de calculs sont secrètes !

Pour ma part, je me borgne à éviter l’aveuglement : le cas islandais est particulièrement intéressant parce que c’est un processus pacifique régénérant l’idée institutionnelle, l’idée des relations entre les Hommes dans un pays, l’idée des liens sacrés qui nous unissent. Cette régénération est pour moi source d’espoir car si elle remplaçait les anciens mécanismes comme l’élection présidentielle, alors elle libèrerait l’énergie des citoyens nécessaires à l’effondrement de la domination des puissantes organisations de riches qui nous traitent comme des esclaves. Avant ils nous faisaient faire la guerre avec des fusils et des canons, maintenant ils nous font faire la compétition sauvage économique. Cela ne peut plus durer. C’est la démocratie ou le noir.

Il doit être dit rapidement que l’élection d’une constituante n’est en aucun cas une finalité en soi. La finalité serait de ré-inventer en permanence notre monde. C’est le processus qui compte, non pas l’objectif. C’est la méthode qui prime sur le résultat. C’est l’état d’esprit qui l’emporte sur le verbe. C’est la vigilance dans la durée qui prend le dessus sur le coup d’éclat. C’est en hiver le feu du souper qui brille plus que la lumière d’un jour exceptionnel de janvier.

Thomas Jefferson :

Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle

21 janvier 2011 : les partis politiques "récupèrent l’idée"

Les partis politiques ont tendance à reprendre à leur compte les bonnes idées. C’est le cas de la Constituante ! Le Parti de Gauche se targue d’avoir été le premier à le mettre au programme. Le rassemblement Europe Ecologie entend bien faire de la constituante une proposition de campagne.

Mais voilà, pour eux, ce sera après l’élection présidentielle ! "D’abord, votez pour nous et après nous ferons une constituante" !!! C’est toujours la même attitude : en allumant sa clope malodorante, le fumeur déclare "demain, j’arrête". C’est un processus à laquel personne ne peut croire, excepté la cohorte de naïf à qui personne n’a jamais expliqué les véritables mécanismes du pouvoir. Faut pas compter sur la télévision pour cela...

20 janvier 2011 : la rédaction de Bakchich réagit

Dans Mensonge par omission, on s’interroge aussi chez Bakchich comment cet événement d’une délégation de pouvoir des élus aux citoyens puissent être plongée dans le silence des médias francophones !

J’adore le début de l’article :

Je clique et là, je plonge mes collègues dans un ravissement, un état de transe et de rêve qui dépasse la normale. Tout le monde se met à parler, à communiquer, plutôt à communier dans une extase et un enthousiasme peu fréquents, et surtout, surtout… tout le monde parle de déménager en Islande.

10 janvier 2011 : La RTBF en parle un peu

Dans Où est le réchauffement politique, le chroniqueur Paul Hermant s’interroge de ce silence : lui aussi se serait attendu à un réchauffement politique !

9 janvier 2011 : Réaction de Rue89

Sous la plume de Pascal Riché, l’article La « révolution démocratique » en Islande tient du fantasme est paru sur le média Rue 89 le 9 janvier 2010.

L’article se résume ainsi :
l’auteur fait l’hypothèse que beaucoup en France croyaient que cette constituante était une remise en cause du capitalisme,
et il démonte cette hypothèse.

Evidemment, ca se tient comme raisonnement, mais je n’aime pas du tout le ton de cet article puisque pour la première publication de Rue89 sur le sujet, au lieu d’expliquer ce qu’il s’est passé, de le formuler, Rue89 le démonte, le déforme, le minimise, au motif que c’est n’est pas une révolution anticapitaliste.

Et bien non ce n’est pas une révolution anticapitaliste, mais par contre, c’est bel et bien une sorte de révolution démocratique ! Imaginons seulement un referendum en France sur la question de la solidarité avec les banquiers et actionnaires qui ont joué au dés pipés dans notre dos ! Imaginons seulement en France - à la place de l’élection présidentielle - l’oragnisation d’une élection pour la nomination d’une assemblée chargée de réviser la constitution de manière à prendre en compte les terribles dérives de notre système institutionnel actuel !

Et bien non, chez Rue89, on se borne à dire que l’Islande, c’est un fantasme anticapitaliste ! Sauf qu’anti ou pro capitaliste, il faudra bien trouver une solution à l’impasse des institutions actuelles. A voir dans le dernier livre d’Hervé Kempf L’oligarchie ca suffit Vive la démocratie ! :

Aux Etats-Unis d’Amérique, 93% des élus sont les candidats ayant dépensé le plus d’argent dans leur campagne télévisuelle. Le ticket d’entrée pour devenir député est à 1,1 millions de dollars. Pour être sénateur, il faut en trouver 6,5 millions. Bien sûr, ils se tournent vers les grands groupes financiers et ce n’est pas sans contre-partie il va sans dire.

Qui peut croire qu’il n’en est pas de même en France ? Qui peut encore oser prétendre qu’il n’y a pas d’urgente nécessité à s’accorder sur le constat que le processus d’une nouvelle assemblée constituante est incontournable ?

nov 2010 - Actualités de l’association France Islande

C’est un texte de l’association France Islande qui me paraît donner quelques informations intéressantes :

L’Assemblée Constituante et les institutions :

L’assemblée (sur son rôle et les modalités de son élection, voir les actualités d’octobre) élue le 27 novembre comprend 10 femmes et 15 hommes. Trois seulement sur les 25 habitent hors de Reykjavík et ses environs. La fourchette d’âges est 24-70 ans, mais 9 d’entre eux ont entre 61 et 70 ans. Il y a 5 universitaires et 4 journalistes. La plupart assument ou ont assumé des responsabilités sociales reconnues.

Pourquoi la faible participation est elle exceptionnellement faible (35.95%) ? Les règles du scrutin y sont pour beaucoup : choisir 25 personnes sur une liste de 523 n’est pas chose aisée. Mais il faut peut-être y voir aussi une conséquence de cette désaffection, déjà souvent relevée, pour la vie politique : à quoi sert de modifier la constitution si ce sont toujours les mêmes qui dirigent le pays !? Or il y a des réponses constitutionnelles à cette question, notamment dans le rôle du président. De plus une réflexion sur la séparation des pouvoirs est nécessaire, notamment pour se conformer aux règles européennes.

On le voit, l’élection d’une constituante n’a pas soigné le peuple islandais du mal qui nous dévore : selon l’article ils disent "à quoi bon faire de la politique" ? Pour autant, c’est de cette interrogation perpétuelle que naît l’espoir : c’est le processus de questionnement permanent qui rend la vie politique intéressante et utile. "L’homme est la conscience de la nature".