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Mission "Curiosity" ou les 4,8 kg de Plutonium volant de la NASA

vendredi 18 novembre 2011, par Puissance Plume


Mise à jour 25 nov

Le tir devrait avoir lieu ce samedi 26 nov 2011 à 16h02 heure de Paris. On peut le suivre sur la chaîne de la NASA.


Article original

Comme s’il n’existait pas suffisamment de menaces nucléaires sur Terre, la NASA se prépare en Floride à lancer un véhicule spatial au Plutonium-238. Baptisé Curiosity Rover, l’engin est destiné à explorer la planète mars. La date de lancement se situe entre le 25 novembre et le 18 décembre 2011.

La NASA affirme qu’une catastrophe au lancement libérant le plutonium a 1 chance sur 420 d’arriver et que la région touchée serait un cercle inférieur à 100 km.

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Zone de retombées potentielles après un accident de tir selon la NASA (rayon 100 km)

Mais le EIS - Environmental Impact Statement de la NASA - affirme que globalement après le tir, les chances que le Plutonium soit relâché sont de 1 pour 220. Cela pourrait affecter une grande partie de la Terre si une explosion vaporisait et dispersait les poussières alors que la roquette Atlas-5 montait en altitude.

Le EIS affirme qu’une explosion dans la troposhère, entre 8 km et 14 km d’altitude, pourrait affecter les habitants terrestres vivant dans une bande située en les latitudes 23 degré nord et 30 degré nord. Ce sont les latitudes de la carte ci-dessus, avec à l’ouest les Etats du sud des USA. Pour notre continent, cela correspond au Sahara, puis à l’est l’Arabie Saoudite, l’Iran, le Pakistan, le nord de l’Inde, le sud de la Chine.

Si une explosion survenait au-delà de la troposhère, mais avant que la roquette ne dépasse le champ gravitationnel de la Terre, alors les êtres vivants pourraient être affectés entre le 28è degré de latitude nord et le 28è degré de latitude sud.

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Retombées de Pu selon la NASA

Le EIS ajoute que le coût de décontamination des aires affectées par le Plutonium serait :
- 267 millions de dollars pour chaque square mile de terre agricole,
- 478 millions de dollars pour chaque square mile de forêt,
- 1,5 milliards de dollars pour chaque square mile d’aires mixtes urbanisées.

La mission elle-même coûte 2,5 milliards de dollars.

Depuis les années 1950, la NASA a lancé des engins nucléarisés dans l’espace, avec quelques explosions au passage. Sur les 26 missions listées contenant du Plutonium, trois ont échoué. Le pire des lacher Pu survint le 24 avril 1964 quand le satellite embarquant un système d’énergie SNAP-9A redescendit sur terre, se désintégrant dans l’atmosphère au-dessus de Madagascar, libérant son kilogramme de Pu-238 à la surface du globe [1]. Un programme mondial en 1970 montra que des débris du SNAP-9A se retrouvèrent sur tous les continents et à toutes les latitudes [2]. Après cet événement, la NASA et tous les satellites internationaux furent alimentés par conversion photovoltaïque.

Mais la NASA insiste pour utiliser le Plutonium pour les sondes spatiales, argumentant que l’énergie solaire ne peut être utilisée au-delà de l’orbite de mars. Sauf que cet été en août, elle a lancé la sonde Juno alimentée au solaire sur Jupiter. Mais il apparaît que le choix du solaire pour Juno aurait été fait du fait de la disponibilité de cette industrie sur le site de construction du satellite. Le Curiosity lui a été fabriqué à Pasadena en Californie.

La mission Curiosity pourrait annoncer un programme non seulement de sondes nucléaires mais aussi des fusées propulsées au nucléaire.

Dans les années 50 et 60, la NASA travaillant avec la Atomic Energy Commission, construisit de telles fusées sous le programme NERVA (Nuclear Engine for Rocket Vehicle Application). Des milliards de dollars furent engloutis pour des essais terrestres mais jamais aucun missile à propulsion nucléaire ne décola du sol. Il y avait trop d’appréhension pour une fusée explosant au décollage et retombant sur le sol.

Charles Bolden, nommé à la tête de la NASA par le Président Obama est un ancien astronaute et général de l’US Marine Corps. Il est un grand "booster" pour les roquettes propulsées au nucléaire. Il défend un prototype conçu par l’ex-astronaute Franklin Chang-Diaz, qui a aussi fondé la "Ad Astra Rocket Company".

Avec la fin du programme Shuttle, la NASA a vu ses activités diversifiées par l’intégration de compagnies privées comme SpaceX. Le site web du magasine Nature a rapporté l’an dernier que SpaceX désirait que le gouvernement américain retourne au développement des fusées propulsées au nucléaire, notamment avec le plan NERVA.

L’engin Curiosity et la fusée Atlas-5 ont été mise en position de lancement semaine 44, début novembre, à Cap Canaveral.

Le Plutonium utilisé dans l’espace est différent de celui utilisé dans les bombes atomiques. Il s’agit du Plutonium 238, qui a une période radioactive [3] de 87,8 ans tandis que son isotope Pu 239 qui a fissionné de nombreux fois dans les explosions nucléaires a une période radioactive de 24 500 ans.

Dr. Arjun Makhijani, un physicien nucléaire président du "Institute for Energy and Environmental Research", explique que le Plutonium-238 “est environ 270 fois plus radioactif que le Plutonium-239 par unité de poids.” En conséquence de quoi, en radioactivité, les 4,8 kg de Plutonium-238 destinés au Curiosity sont équivalent à 1300 kg de Plutonium-239. La bombe atomique lâchée sur Nagasaki utilisait 6,8 kg de Plutonium-239.

La période radioactive Pu-238 beaucoup plus courte que celle du Pu-239 implique une plus grande activité radioactive mais aussi une plus grande chaleur : il est extrêmement chaud. Cette chaleur est transformée en électricité dans un générateur spécifiquement conçu : les RTG - radioisotope thermoelectric generators - développés par Boeing. Et même maintenant, il y a les MMRTG !

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Curiosity avec toutes ses curiosités dont son générateur au Plutonium qui peut nous tomber dessus au lancement.

Le plus grand problème sanitaire du Plutonium est l’inhalation d’une particule. Un millionième de gramme peut être fatal. La mission de mars de l’EIS de la NASA explique que les particules de Pu pourraient se loger dans la tranchée, dans les bronches et profondément dans les poumons. Ainsi logées, elles irradieraient continuellement les tissus autour.

Elle parle aussi des conséquences socio-économiques d’une catastrophe :
- déménagements temporaire ou plus long de résidents,
- perte d’emploi temporaire ou plus long,
- destruction ou quarantaine de produits agricoles, incluant la récolte de citrons,
- restrictions sur l’utilisation de terres pouvant affecter des revenus fonciers, le tourism and les activities récréatives,
- restriction ou banissement de la pêche commerciale,
- effets sur la santé publique.”

Pax Christi demande aux gens d’appeler ou d’écrire ou d’envoyer un email à la NASA , en demandant “que tant qu’ils ne pourront pas lancer des engins spaciaux sans matières nucléaires à bord, qu’ils n’en lancent pas du tout.”

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Curiosity fait un tour sur lui-même, cliquez pour voir la vidéo (curseur à 1h14)

Références

- Cet article est une libre adaptation et traduction de The Curiosity Mission : Nukes in Space de KARL GROSSMAN.
- Page officielle de la NASA

Notes

[3La période radioactive est le temps au bout duquel une quantité intiale donnée de l’élémént aura été divisée par deux par désintégrations successives.

3 Messages

  • Mission "Curiosity" ou les 4,8 kg de Plutonium volant de la NASA Le 16 décembre 2011 à 21:24, par daniel

    Bonjour,

    Juste une précision, le terme de période radioactive n’est pas correct me semble t-il. En physique on utilise le terme de "demie-vie", ce qui est plus explicite et surtout permet de comprendre de suite qu’au bout de cette durée, il reste encore 50% de l’élément radioactif en question, donc il faut encore une demie vie pour réduire la quantité initiale à 25% et encore une pour réduire à 12,5%... Soit dit en passant, il faudrait aussi parler des nouveaux éléments (on les appelles les éléments fils, l’élément initial étant le père) issus de la désintégration de cet élément radioactif initial et dont certains sont eux aussi instables donc radioactifs... et ont donc eux aussi une demie vie, ... et ainsi de suite, et c’est la boite de Pandore qui s’ouvre.

    Merci encore pour votre travail d’information,

    Ne lâchez rien !

    Daniel.

    • Mission "Curiosity" ou les 4,8 kg de Plutonium volant de la NASA Le 18 décembre 2011 à 13:02, par Frédéric Boutet

      Bonjour Daniel,
      Je préfère utiliser le terme de "période radioactive" car le terme est suffisamment flou à un novice pour qu’il pose la question : qu’est-ce que cela signifie ? Au lieu de quoi, quand on utilise "demi-vie", le novice a tendance à croire qu’il s’agit de la moitié de la vie : quoi de plus naturel ? C’est ma façon de voir la pédagogie dans ce domaine. Mais la pédagogie, comme disait mon prof d’énergie et société, c’est l’art de répéter, de toutes façons :-)

  • Bonjour,

    Il s’agit d’une inquiétude légitime, en effet il y a de nombreux satellites militaires "basse altitude" qui menacent la vie terrestre de manière régulière et occulte.

    Ce que je trouve beaucoup plus contestable c’est l’impasse totale faite dans cet article sur la possible et irrémédiable pollution de la planète Mars que peut provoquer cette mission.

    Utiliser une technologie antinomique avec la vie pour rechercher des traces de vie, me laisse à penser que les programmes techno-scientifiques sont des plaies pour le véritable développement des sciences elles mêmes.

    Contaminations biologiques et nucléaires devraient être les préoccupations principales de toutes les missions spatiales extraterrestres !

    Pour moi, la mission "Curiosity" est déjà une réussite car elle vient de répondre négativement à l’importante question : " Y a t’il de une vie consciente sur Terre ? "

    Malheureusement, l’abominable " Spirit of Peenemünde " n’est pas mort ...

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