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Les pesticides systémiques : menace pour la biodiversité mondiale ; à la découverte d’un sachet de graines enrobées au thiacloprid

dimanche 6 juillet 2014, par Marc Laimé , Puissance Plume

sommaire


Pour mémoire : 4 février 2015 ; vote au sénat pour ou contre les neonics

Information de Marie-France Beaufils, sénatrice d’Indre-et-Loire :

- proposition de résolution visant à interdire les neonics en Europe : http://www.senat.fr/leg/ppr13-643.html
- vote du sénat (vote nominatif) rejetant cette proposition le 4 février 2015 : http://www.senat.fr/scrutin-public/2014/scr2014-92.html


16 juin 2015 : demande au sénat d’adopter l’amendement n°754 pour interdire les néonicotinoïdes

Le texte vient de POLLINIS.


Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,

Attendu que l’Assemblée nationale a adopté, le 19 mars dernier, un amendement au Projet de loi relatif à la biodiversité (n° 1847), déposé par les députés Delphine Batho et Gérard Bapt, promulguant une interdiction totale des pesticides néonicotinoïdes à partir de janvier 2016 ;

Attendu que ces pesticides sont notoirement responsables du déclin des populations d’abeilles en France et dans le monde, et que de nombreuses études scientifiques démontrent leurs effets clairement néfastes sur l’environnement, la biodiversité, la santé et la sécurité alimentaire ;

Attendu que la recherche scientifique actuelle apporte de nouvelles preuves de l’adaptation des bioagresseurs à une rapidité encore jamais observée, ce qui pose le problème de l’inefficacité à court terme de ces substances pour protéger les cultures, et dresse le spectre d’une crise agricole que personne ne pourrait maîtriser ;

Je vous demande de suivre vos confrères députés dans leur démarche courageuse et responsable, et de prendre la seule décision que le bon sens impose : adopter l’amendement n°754 et interdire, purement et simplement, les pesticides néonicotinoïdes sur le sol français. Cette interdiction serait un signe fort en direction de l’UE et du reste du monde adressé par la France alors qu’elle se prépare à accueillir la COP21.


À la découverte d’un sachet de graines enrobées au thiacloprid, par Puissance Plume

Pour illustrer comment les neonicotinoïdes arrivent dans notre environnement, voici un sac de semences grandement utilisé cette année 2014 dans notre joli Lauragais céréalier et pavillonnaire tranquille tranquille (où presque tout le monde hausse les épaules en se laissant absorber par le sport à la télé) :

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Sac de semences de maïs enrobées au thiacloprid, échantillon de test non vendu

Retournons le sac. On découvre qu’il s’agit d’une substance active nommée thiacloprid, de chez le criminel Bayer, bien connu et actif depuis la première guerre mondiale. Le thiacloprid est de la famille des fameux neonicotinoïdes dont parle l’article ci-dessous.

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Substance active : le thiacloprid, un neocotinoid de chez Bayer

En bon élève, détachons l’étiquette et lisons le contrat qui s’impose à nous lorsqu’on veut utiliser ces semences. C’est un échantillon qui remis dans les mains de l’agriculteur gratuitement sans argent mais en contrepartie du respect d’un certain protocole. Il va sans dire que rien n’appartient à l’expérimentateur, ni la semence, ni la récolte. Il doit tout semer et tout donner à Pioneer.

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Termes du contrat lorsqu’on ouvre le sachet et qu’on utilise ces semences non vendues

Bon, alors si on se décide à obéir à ces expérimentateurs, voici comment faire : il y a une notice d’utilisation du produit. Ça parle tout seul.

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Mode d’emploi des semences enrobées au thiacloprid

Et bon, si on est pas rebuté, parce qu’on est insensible à toutes ces choses de la nature, vu qu’on est devenu un robot soi-même, au service du système technologique, on ouvre le sachet. Oh la belle rouge !

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Semence de maïs du système technologique

Le Thiacloprid, c’est un truc qui fait ça, selon un marchand qui le vend sous le nom de "splendeur" [1] :

Thiacloprid, a new chloronicotinyl insecticide, is targeted to control sucking and biting insects in cotton, rice, vegetables, pome fruit, sugar beet, potatoes and ornamentals. Pests controlled include aphids, whitefly, beetles and lepidoptera such as leaf miners. It acts as acute contact and stomach poison, with systemic action. It disrupts the nervous system by acting as an inhibitor at nicotinic acetylcholine receptors. Thiacloprid is safe to the mammals and it falls in the Toxicity class WHO (a.i.) II

En gros, ça tue les insectes mais nous ça nous fait rien... de visible à court terme. Criminels.


Les pesticides systémiques : menace pour la biodiversité mondiale, par Mac Laimé

Cet article est paru sur le site des eaux glacées du calcul égoïste le 24 juin 2014.

Une nouvelle méta-analyse des pesticides systémiques à base de néonicotinoïdes et de fipronil (également appelés ici « néonics »), dont la publication est attendue pour cet été, confirme que ces produits causent des dommages importants à de nombreuses espèces d’invertébrés utiles et jouent un rôle clé dans le déclin des abeilles.

« L’inquiétude quant à l’impact des pesticides systémiques sur un grand nombre d’espèces utiles n’a cessé de croître au cours des vingt dernières années mais aucun élément scientifique n’avait été jugé concluant à ce jour.

Dans le cadre d’une revue complète de la littérature (800 publications rapports révisés par des pairs), un groupe de travail (Task Force) sur les pesticides systémiques, réunissant des scientifiques internationaux indépendants, a montré qu’il existe suffisamment de preuves évidentes des préjudices pour mettre en route des mesures réglementaires.

Selon ladite analyse, connue en anglais sous le nom de Worldwide Integrated Assessment ou WIA (en français : Évaluation mondiale intégrée) et prochainement publiée dans la revue Environmental Science and Pollution Research, les « néonics » comportent un risque élevé de dommages pour les abeilles mellifères et autres pollinisateurs comme les papillons, ainsi que pour une large variété d’autres invertébrés (vers de terre p. ex.) et de vertébrés tels que les oiseaux.

Les néonics sont des neurotoxines et les effets générés par l’exposition à ces substances peuvent être immédiats et fatals mais également chroniques. Une exposition de longue durée à de faibles doses (non létales) peut également être néfaste. Parmi les dommages chroniques possibles, citons la perte d’odorat ou de mémoire, une perte de fécondité, un comportement trophique altéré et une diminution de l’apport alimentaire, y compris un butinage amoindri chez les abeilles, une capacité altérée du ver de terre à creuser des tunnels, des difficultés à voler et une sensibilité accrue aux maladies.

Un des principaux auteurs du WIA, le Dr Jean-Marc Bonmatin (Centre National de la Recherche Scientifique en France), a déclaré : « Les preuves sont très claires. Nous sommes face à une menace qui pèse sur la productivité de notre milieu naturel et agricole et cette menace équivaut à celle que constituent les organophosphates ou le DDT. Loin de protéger la production alimentaire, l’utilisation des néonics menace l’infrastructure même qui permet cette utilisation, mettant en danger les pollinisateurs, les ingénieurs de l’écosystème et les antiparasitaires naturels au cœur du fonctionnement écosystémique. »

L’analyse a démontré que les catégories d’espèces les plus touchées étaient les invertébrés terrestres, tels que les vers de terre, qui sont exposés à des niveaux élevés via le sol et les plantes, à des niveaux moyens via les eaux de surface et par lixiviation (« leaching ») , et à des niveaux faibles via les poussières dans l’air. Ces substances peuvent nuire à la santé tant des individus que des populations, même à de faibles doses ou en cas d’exposition aiguë, rendant ces individus et populations extrêmement vulnérables aux niveaux de néonics associés aux pratiques agricoles.

Le deuxième groupe le plus touché comprend les insectes pollinisateurs (abeilles, papillons, etc.) qui sont exposés à une forte contamination par l’air et les plantes et à des niveaux d’exposition moyens par l’eau. Aussi bien les individus que les populations peuvent être affectées par une exposition faible ou aiguë, les rendant hautement vulnérables.

Viennent ensuite les invertébrés aquatiques, comme les gastéropodes d’eau douce et les puces d’eau, sensibles à une exposition faible et aiguë, qui peuvent être affectés aux niveaux de l’individu, de la population et de la communauté, et les vertébrés tels que les oiseaux, qui sont vulnérables à des niveaux d’exposition moyens et bas via le sol, l’air, l’eau et les plantes, et qui sont affectés aux niveaux de l’individu et de la population.

Il s’est également avéré que les poissons, les amphibiens et les microbes étaient tous touchés à des niveaux d’exposition élevés ou après une exposition prolongée. Des échantillons d’eau prélevés à travers le monde dépassent régulièrement les limites écotoxicologiques autorisées.

Nous ne disposons pas de données suffisantes pour déterminer s’il existe ou non un impact sur les mammifères ou les reptiles, mais dans le cas de ces derniers, la conclusion des chercheurs est qu’un tel impact est probable.

Outre la contamination d’espèces non cibles par exposition directe (p. ex. des insectes qui se nourrissent du nectar de plantes traitées), les substances chimiques sont également présentes, à divers niveaux de concentrations, en dehors des zones volontairement traitées.

La solubilité des néonics dans l’eau signifie qu’ils ruissellent, s’écoulent facilement et contaminent des zones bien plus larges, donnant lieu à une exposition des organismes à la fois chronique et aiguë, notamment dans des zones riveraines et dans les systèmes estuariens et marins côtiers.

Ces insecticides sont aujourd’hui les plus utilisés dans le monde, avec une part de marché estimée à quelque 40% et des ventes de plus de 2,63 milliards de dollars US en 2011. Ils sont aussi communément utilisés dans les traitements domestiques pour la prévention des puces chez les chats et chiens et la lutte contre les termites dans les structures en bois.

« Les conclusions du WIA sont des plus préoccupantes », dixit le président de la Task Force, Dr Maarten Bijleveld van Lexmond. « Nous pouvons à présent clairement voir que les néonics et le fipronil représentent un risque pour les fonctions et services écosystémiques qui va bien au-delà des inquiétudes afférentes à une espèce et qui mérite vraiment d’être porté à l’attention des gouvernements et des instances de réglementation. »

Les abeilles mellifères ont jusqu’à présent été au centre des préoccupations en ce qui concerne l’utilisation des néonics et du fipronil, et des actions limitées ont été prises, entre autres par la Commission européenne, mais les fabricants de ces neurotoxines ont rejeté toutes les allégations de préjudice.

En évitant de simplement comparer les rapports entre eux et en analysant toute la littérature disponible, le WIA a montré que les néonicotinoïdes, dans des concentrations réalistes d’utilisation en champ, nuisent à la navigation individuelle, à l’apprentissage, à la collecte de nourriture, à la longévité, à la résistance aux maladies, et à la fécondité des abeilles. Concernant les bourdons, des effets irréfutables au niveau de la colonie ont été constatés, avec des colonies exposées qui grandissent plus lentement et produisent nettement moins de reines.

Les auteurs recommandent vivement aux instances de réglementation de prendre davantage de précautions, de durcir encore la réglementation sur les néonicotinoïdes et le fipronil, et de commencer à planifier leur suppression progressive à l’échelle mondiale ou, du moins, à formuler des plans visant à réduire fortement leur utilisation dans le monde. »

NOTES

Contrairement à d’autres pesticides, qui restent à la surface des feuilles traitées, les pesticides systémiques sont absorbés par la plante pour ensuite être acheminés dans les tissus (feuilles, fleurs, racines et tiges/troncs, pollen et nectar). Ils sont de plus en plus utilisés à des fins prophylactiques pour prévenir les invasions d’organismes nuisibles, plutôt que pour traiter un problème dès que celui-ci se manifeste.

Les métabolites des néonicotinoïdes et du fipronil (les éléments en lesquels ils se dégradent) sont souvent aussi toxiques, voire plus que les matières actives envers les organismes non cibles. Tant le composé parent que certains de leurs métabolites sont capables de persister et de s’accumuler, en particulier dans le sol, pendant des mois ou des années. Cela accroît leurs effets toxiques et les rend plus nuisibles encore pour les espèces non cibles.

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Evaluation intégrée mondiale sur les pesticides systémiques

Groupe de travail sur les pesticides systémiques

Le Groupe de travail (ou Task Force) sur les pesticides systémiques est la réponse de la communauté scientifique aux préoccupations relatives aux incidences des pesticides systémiques sur la biodiversité et les écosystèmes.

Il a pour but de fournir la vision définitive de la science afin d’accélérer et d’améliorer la prise de décision.

Il conseille deux Commissions de l’UICN, à savoir la Commission de la Gestion des Écosystèmes et la Commission pour la Survie des Espèces. Ses travaux ont été repérés par l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques dans le cadre de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) et ont été portés à l’attention de la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) - pour laquelle travaillent quatre membres de la Task Force dans le contexte de l’évaluation thématique accélérée des pollinisateurs, de la pollinisation et de la production alimentaire.

Les conclusions ont étéprésentées à l’occasion de conférences de presse qui à Manille et à Bruxelles le 24 juin, à Ottawa le 25 et à Tokyo le 26.

Matériel audiovisuel disponible sur demande.

Notes d’information aux médias disponibles sur demande.

www.tfsp.info

Pour de plus amples renseignements, veuillez contacter :

Noa Simon Delso (BE)

+32 10 47 34 16 /

Mobile : +32 486 973 920 /

E-Mail : simon@cari.be


Diverses infos

Rappelons que le Friponil, inventé par la firme criminelle Bayer et commercialisée sous le nom de Regent, le 15 juillet 2013, a été interdit pour l’enrobage des semences de maïs à partir du 31 décembre 2013 parce que


L’insecticide friponil pose un risque aigu élevé pour les abeilles lorsqu’il est utilisé en tant que traitement des semences de maïs [2].

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