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L’impasse actuelle de l’Institution antinucléaire

samedi 8 janvier 2011, par Puissance Plume

La fédération "Sortir du Nucléaire", sise à Lyon, est l’institution antinucléaire. Elle se fonde sur la croissance et sur le salariat, comme une entreprise hiérarchique dans l’économie de marché capitaliste. Nous évoquons ces problèmes et estimons notre devoir de commencer à proposer des solutions.


sommaire


T’avais qu’à être élu

Appelons-le Typhon Landru. Personne ne le reconnaîtra à part quelques initiés. Il me fournit un tremplin idéal pour démarrer cet article : il a écrit quelque part sur terre fin 2010 :

Rappelons que c’est l’Assemblée Générale [1] qui a voté pour Daniel Roussée [2] (entre autres) et que Frédéric Boutet [3] (qui se représentait) n’a pas été élu.

Frédéric parle de dictature mais il semble avoir des problèmes avec la
démocratie. Un regret de ne pas habiter en Côte-d’Ivoire peut-être.

Quiconque s’est confronté au débat sur le nucléaire en France s’est vu rétorqué un jour : "Si y sont pas contents, y z’ont qu’à se voter les lois, c’est la démocratie" ou "mais les députés, y z’ont voté le nucléaire à la majorité démocratique : et alors ?". a priori donc, un antinucléaire averti sait quelles limites sont rapidement atteintes lorsqu’on identifie le fait d’être "en démocratie" au fait de disposer et d’utiliser un "système électoral représentatif" [4].

Landru, qui est pourtant un militant antinucléaire techniquement confirmé, fonce dans ce panneau. C’est un exemple éclatant du problème qui se présente à nous, globalement dans la société, et plus particulièrement dans l’association "Sortir du Nucléaire" (désignée ci-après par SDN).


Ce qu’est SDN

SDN est l’institution antinucléaire, c’est-à-dire une structure de pouvoir qui organise et influence la lutte antinucléaire en utilisant l’argent que les donateurs lui verse.

Cette institution est dirigée par un couple CA [5]/salariés, exactement comme l’Etat français est dirigé par un couple élus/administration, ou encore comme une entreprise privée détenue par des actionnaires est dirigée par un couple CA/salariés.

Que les membres du CA soient élus lors de l’Assemblée Générale est le seul mécanisme qui permette de dire qu’il s’agit d’une démocratie. Les salariés, ligués entre eux dans l’optique de durer et d’être efficace dans la durée, décident eux-mêmes que la lutte antinucléaire a besoin qu’ils soient surchargés de travail et décident de ce qu’ils ont intérêt à faire pour être surchargés et donc croître [6] . Tout le problème consiste à faire croire que les décisions sont "représentatives" ou "nécessaires" à la continuation de l’institution.

En cela, SDN ressemble à Greenpeace, au RAC, à FNE, au WWF, au CLER également : des entreprises ayant investi dans l’environnement, dirigées par des couples CA/salariés, ayant pour unique objectif de faire parler d’eux, de compter dans la sphère médiatico/politique, et surtout de croître.

SDN est fondé sur deux piliers : la croissance et le salariat, exactement comme une entreprise dans l’économie de marché.


La croissance

Faire croître l’adhésion à l’institution antinucléaire, comme faire croître le PIB, est une religion qu’il n’est pas possible de remettre en cause lorsqu’on est au sein du couple dirigeant CA/salariés.

Faire croître l’institution antinucléaire en termes de représentation se réalise :
- en ne comptabilisant que les groupes ayant été un jour signataires de la charte et n’ayant jamais demandé explicitement la radiation de leur signature même si le groupe a été dissous,
- en incluant les entreprises privées et les partis politiques sous forme de "groupes" : il y a par exemple 157 partis politiques dont 99 du parti des Verts, sur un total de 347 groupes adhérents en 2010, soit respectivement 45% et 28% de partis politiques dont les verts parmi les adhérents,
- en rassemblant et ratissant plus large, ce qui s’exprime aussi chez Daniel Roussée en "s’ouvrant toujours plus" [7].

Faire croître l’institution antinucléaire en termes d’argent se réalise :
- en faisant souscrire des prélèvements automatiques mensuels d’argent,
- en invitant régulièrement à donner.

Mais qu’est-ce qui montre que nous obtiendrons l’application de la charte SDN en faisant croître l’institution ? Rien ! Implicitement, SDN reprend à son compte la loi du nombre dans la démocratie représentative : si nous étions majoritaires lors d’une élection alors nous pourrions imposer l’application de la charte SDN.

Cette attitude participationniste est inopérante. On ne peut pas à la fois être le changement et utiliser les règles qu’il faut changer. C’est comme proclamer qu’on arrêtera de fumer demain en allumant une cigarette. Pas besoin d’avoir une forte culture anarchiste pour constater que la démocratie représentative actuelle est une structure de domination qui permet à une classe riche de tout commander pour ses propres intérêts [8].

A mon sens, il est fondamental de changer les institutions car elles sont la source de tous nos problèmes [9]. On ne peut pas totalement les changer "par le haut" c’est-à-dire en espérant que des élus dans la Vè. République vont les changer une fois élus, car non seulement c’est impossible d’accéder au même pouvoir en passant par les voies tenues par les adversaires, mais aussi nous reproduirions exactement les mêmes erreurs qu’auparavant : la représentativité n’est pas démocratique, c’est une n-ième forme de domination.

Nous n’avons pas de solution miracle ici à proposer mais citons au moins des prises de position indispensables :

  • refus total de participationnisme de SDN aux élections de la Vè. République, appel à la prise en main de la vie publique par les citoyens en manifestant le jour de l’élection, en créant des espaces de débat public, en substituant des initiatives indépendantes à l’action des institutions, et d’autres actions encore à imaginer,
  • soutien au RIC, Rassemblement pour l’Initiative Citoyenne, qui permettrait de créer une brèche dans la démocratie représentative http://www.ric-france.fr.
  • soutien à l’association Pour une Constituante afin d’introduire des doléances antinucléaires dans la future constitution de la République Française.

Le salariat

Autre valeur fondementale de SDN : le salariat. Philippe Brousse - le directeur - et Daniel Roussée - son perfide acolyte élu au CA - (ce couple est nommé "Dalippe Broussée" pour faire simple), ont toujours parlé d’une équipe salariée "soudée", "qui travaille dur", "qui ne compte pas ses heures". On retrouve ces déclarations partout. Ils glorifient l’aliénation des heures sup’, l’avilissement au travail. Tout le monde sait qu’un parton assoie son autorité en fixant des objectifs inatteignables à ses employés de manière pouvoir faire peser sur eux le sentiment de culpabilité par l’absence de résultats, et ensuite autoriser la soumission à des décisions sévères.

Mais aussi et surtout, la surcharge de travail perpétuelle des salariés permet de justifier leur statut particulier par rapport aux bénévoles. Non seulement la surcharge de travail permet de prétendre que le salariat est nécessaire mais aussi de le promouvoir par des qualificatifs de "travailleurs", "compétents".

Mais le salariat est une aliénation de par la relation de domination patron/salarié qu’il institutionnalise. Et la surcharge de travail est carrément voulue pour justifier auprès des bénévoles qu’on est nécessaire à leur lutte. Les salariés s’inventent en permanence des tâches, imaginent des actions à faire et les vendent ensuite aux bénévoles ! Par exemple, ces histoires de campagne électorales sont des antiennes qui ne sont jamais vraiment discutées entre militants.

De plus, les salariés, par leur statut ont un patron. En décembre 2009, Dalippe Broussée - avec d’autres - ont soutenu les salariés jaunes qui faisaient grève pour que S. Lhomme, le porte-parole historique soit licencié.

Pourquoi Dalippe Broussée ont poussé S. Lhomme hors de l’équipe salariée ? Parce que S. Lhomme, essentiellement, ne se soumettait pas à l’autorité de P. Brousse, parce qu’il lui tenait tête. En particulier pendant l’affaire de l’Ultimatum climatique où S. Lhomme a poussé pour faire annuler la signature de SDN, ce qui a provoqué la colère des salariés, s’indignant qu’un "simple salarié" aille contre le CA, donne autant son avis avec insistance. On sait que la signature de cet ultimatum a été refoulée par l’AG du 6 fev 2010, donnant raison alors sur le fond à S. Lhomme contre tous les autres salariés.

Autrement dit, toutes les valeurs qui font habituellement les "enculés de patrons" dans l’économie de marché capitaliste se retrouvent propagées par le couple Dalippe Broussée dans l’institution antinucléaire : soumission totale au directeur, travail pour la croissance, concentration des pouvoirs - P. Brousse est le seul à être inscrit sur toutes les listes, le seul à avoir accès au mailing des sympathisants -, valorisation de l’aliénation de la vie par les heures supplémentaires "données" au "rézo", utilité du secret, manipulation des informations. Qui peut croire un instant que ces gens sont des écologistes ? Ce sont des affairistes !

Mais en plus, nous avons aussi les inconvénients des institutions de la démocratie représentative : c’est la confiscation du débat et des fonds militants. Les élus passent probablement plus de 90% de leur temps à l’institution antinucléaire plutôt qu’à la lutte antinucléaire.

Ce n’est pas une fatalité : on peut très bien imaginer des formes rémunérées de travail sans pour autant tomber dans la relation de domination patron-salarié qui s’est instaurée à SDN. En particulier, pour être le changement, et montrer l’exemple, la fédération - si fédération il doit y avoir - se doit d’instaurer un système de passerelle entre le cadre légal fournit par les institutions françaises [10] et la vraie vie, où personne ne doit dominer personne. On doit pouvoir continuer à cotiser aux organismes sociaux de santé et de retraites tout en vivant d’une activité antinucléaire en échange d’un peu d’argent des donateurs. Le système doit imiter la Nature pour être vivable et durable.

A l’AG de juin 2010, il a été voté l’organisation horizontale des salariés. Brousse a alors été appelé "coordinateur général". C’est bien évidemment se moquer des gens. Après avoir revendiqué la soumission totale du salarié Lhomme à ses ordres, proposé au CA de SDN nombre d’avertissements contre le salarié Lhomme pour entrave à l’autorité, après avoir pratiqué le culte du modèle de l’entreprise hiérarchique anglo-saxonne Greenpeace, comment ce personnage pourrat-il vivre une organisation horizontale après 13 ans de règne ? Il a beau se faire toujours plus discret, comme les employés des cabinets ministériels dont personne ne sait les noms mais qui rédigent dans l’ombre de la république les décrets s’appliquant sur tous les français, il est là, oeuvrant pour aider les candidats antinucléaires pendant les campagnes électorales à toucher les adhérents sur "ce qui est bon ton de penser quand on cotise à sortir du nucléaire".


Quelques réflexions générales supplémentaires

Bâtie à partir de l’énergie des militants antinucléaires, l’institution en est arrivée à lutter contre une partie d’entre eux pour pouvoir s’orienter vers la croissance et le salariat comme elle l’entend, pour pouvoir aider les partis politiques pendant les campagnes électotrales.

Cette situation n’est pas issue de la seule indéniable soif de pouvoir de certains, c’est malheureusement aussi la reproduction de nos institutions, les seules que nous connaissons, celles de la Vè. République Française. Habitués à déléguer notre responsabilité de citoyen à des inconnus en laissant un bulletin dans l’urne ou en faisant un don d’argent par l’impôt, nous avons rarement l’occasion de nous considérer comme ce que nous sommes réellement dans cet univers : des esclaves. Si les noirs américains avaient eu la télé, le téléphone mobile, les matchs de foot en rentrant des champs de coton, peut-être que Martin Luther King n’aurait pas été célèbre.

La courbe comparée des traffics Google de www.sortirdunucleaire.org et de www.dissident-media.org ci-dessous montre qu’entre le 15 février et le 15 mars 2010, il s’est passé quelque chose d’important. S’est-on intéressé au nucléaire en France ?

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Traffic Google comparé ; Source fr.semrush.com ; cliquer pour agrandir.

Aujourd’hui SDN n’est plus célèbre que pour avoir licencié abusivement S. Lhomme son porte-parole ! C’est une faillite morale irrécupérable. L’association SDN est morte le jour de la publication de la lettre des salariés jaunes annonçant qu’ils se mettraient en grève si S. Lhomme n’était pas licencié. Une lettre qui reste un ovni dans la planète sociale, un trou noir dans la galaxie syndicale historique.

Sur le web, Info Nucléaire est un site présentant des informations spécifiques représentant la réalité de ce que fait l’industrie nucléaire. A l’inverse, SDN semble surfer sur les mobilisations globales sur "le réchauffement climatique" [11]. SDN reste compréhensif quand P. Husting informe que Greenpeace ne s’intéresse pas à la fermeture des vieilles centrales... Pour raisons budgétaires [12]. SDN n’a pas bronché quand Eva Joly l’ingénue s’est prononcée pour laisser continuer les vieilles centrales nucléaires.

Bref, sous prétexte de rassembler, SDN dilue son message, oublie sa charte qui parle explicitement de centrales au gaz en transition pour satisfaire les exigences de la démocratie représentative et participer à la grande mascarade des élections.

Nous avons tous les éléments pour savoir qu’un accident majeur nucléaire serait bien pire que tout, pas seulement en termes sanitaires, mais aussi en termes de libertés individuelles. Le Bélarus est malheureusement là pour nous le montrer.

Si SDN poursuit sa route d’ONG institutionalisée à croissance capitaliste par la seule volonté de son couple CA/Salariés, alors nous avons tout lieu de penser que l’institution antinucléaire s’est retournée contre ses militants. A chacun d’en évaluer le degré et d’agir en conséquence.


A propos de ma démarche

Ces textes explicatifs que j’écris de temps en temps n’ont d’autre mobile que mon intuition. Mes idéaux sont connus depuis longtemps, petit-fils de résistant, ils m’amènent à développer le sentiment de liberté et, de manière corolaire, faire diminuer le sentiment d’oppression. Il faut malheureusement parfois cogner fort contre les imbéciles parce qu’ils poursuivent leur oeuvres dévastatrices.

Un proverbe fondateur du mouvement anarchiste, qu’il convient de s’imprégner pour relire mon texte :

Pour changer la réalité, il faut d’abord bien la connaître.

Notes

[1AG du 6-7 février 2010 de "Sortir du Nucléaire"

[2DR était le représentant des Amis de la Terre Midi-Pyrénées à l’AG

[3J’ai été pendant deux ans suppléant de DR au CA de SDN. J’ai démissionné de ce poste suite à l’affaire S. Lhomme.

[4Pour ceux qui auraient quelques doutes sur la démocratie représentative, je renvoie à mon article La démocratie représentative n’est pas une démocratie.

[5CA : Conseil d’Administration. SDN dispose normalement de 9 administrateurs.

[6Exemple, en décembre 2009, les salariés jaunes de SDN se sont ligués pour faire licencier leur collègue de Bordeaux S. Lhomme

[7Par exemple, en septembre Brousse et d’autres salariés comme Rabilloud et Mijéon ont poussé pour que le CA de SDN signe l’Ultimatum Climatique qui n’était pas un texte antinucléaire.

[10les contrats de travail, tout ce qui fait la distinction entre patron et salarié

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