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Témoignages sur le week-end de résistance au Chefresne 22-24 juin 2012

jeudi 26 juillet 2012, par Puissance Plume

sommaire

A propos de cette compilation de témoignages

A quarante et un an, j’ai vécu ma première scène de guerre, tenant la main à un jeune homme de vingt ans sur une civière qui avait l’oeil défoncé par l’explosion d’une grenade. Parce qu’il résistait à l’Etat et son nouveau projet inutile de ligne à très haute tension.

Alors si moi, petit bourgeois de province, j’ai vécu cette scène de guerre, je pense que beaucoup de gens peuvent légitimement se poser la question de leur avenir prochain : c’est le but de cette compilation que de provoquer cette question.

N’y voyez aucun objectif d’entrainer les gens dans la violence qui de toutes façons, ne peut pas être un objectif atteignable puisque l’Etat sera toujours plus fort au jeu de l’escalade dans l’horreur. Voyez-y plutôt une recherche de mise en conformité de la manière dont on conçoit le système de société dans lequel nous vivons et la réalité effective de ce monde.

Cette compilation de témoignages pourra apparaître comme une information banale, au goût de déjà vu pour certains : des manifestants qui « cherchent la bagarre » se font rabrouer pour que les « honnêtes gens » puissent continuer à travailler, « eux ». S’ils sont blessés, « ils l’ont bien cherché ». C’est directement à ces gens-là qui raisonent comme cela que s’adresse cette compilation. La perception de l’action directe et de sa repression par un Etat est personnelle mais :
- comme la résistance sous l’occupation allemande, les manifestants ne s’en prennent jamais à des innocents ; ils jettent des pierres sur des gendarmes qui les empêchent d’accéder aux pylônes puisque ces pylônes sont les instruments d’esclavagisme, sources de profits juteux et moyen de contrôle et de robotisation de la société ;
- la violence quotidienne que l’Etat totalitaire exerce sur la société civile est incommensurablement plus forte, sans comparaison possible. Chaque jour, des éthylotests obligatoires aux autorisations de décimer les abeilles, l’Etat enfonce plus profond la tête du peuple dans l’eau noire croupie de sa folie psychopathe.

« Rendez-vous à la Libération ! », c’est ce que j’ai répondu à un chef d’entreprise qui s’indignait auprès de moi que des gens manifestent contre la loi LOPPSI II en octobre 2010 à Toulouse. Nul doute que tous n’iront pas directement au conflit avec l’Etat totalitaire parce qu’ils n’en ont pas la capacité. Mais il est évident que maintenant, l’heure n’est plus aux enfantillages pétitionnaires. L’heure est venue de sauver notre peau, comme les Japonais essaient de le faire.

Montclar-Lauragais, le 26 juillet 2012, Frédéric Boutet

En savoir plus sur l’actualité :
www.percysoustension.fr
www.antitht.noblogs.org

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THT et retour d’expérience

« Parmi les choses que les gens n’ont pas envie d’entendre, qu’ils ne veulent pas voir alors qu’elles s’étalent sous leurs yeux, il y a celles-ci ; que de tous ces perfectionnements techniques, qui leur ont si bien simplifié la vie qu’il n’y reste presque plus rien de vivant, agencent quelque chose qui n’est déjà plus une civilisation ; que la barbarie jaillit comme de source de cette vie simplifiée, mécanisée, sans esprit ; et que parmi tous les résultats terrifiants de cette expérience de déshumanisation à laquelle ils se sont prêtés de si bon gré, le plus terrifiant est encore leur progéniture, parce que c’est celui qui en somme ratifie tous les autres. C’est pourquoi, quand le citoyen écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : “Quel monde allons nous laisser à nos enfants ?”, il évite de poser cette autre question réellement inquiétante : “A quels enfants allons nous laisser le monde ?” »
Jaime Semprun, « L’abîme se repeuple »

Les nucléocrates n’utilisent leurs retours d’expérience que comme outils de propagande. Chaque catastrophe ou « incident » est soudainement et a posteriori décortiqué pour améliorer la sécurité des installations nucléaires en fonctionnement. Comme si la catastrophe précédente conduirait à mieux se préparer à la prochaine. Pourtant, Fukushima n’est pas Tchernobyl qui lui-même n’est pas Three Mile Island. L’enjeu est ailleurs : rassurer et donner l’illusion de la maîtrise.

Notre retour d’expérience est tout autre. Depuis quelques mois la lutte contre le projet de ligne très haute tension Cotentin Maine a pris une tournure nouvelle au moment même ou l’Etat, RTE, et les entreprises qui sont commissionnées pour construire la ligne ont débuté les travaux. Valognes fut la mise en bouche de ce tournant. Malgré ses tâtonnements et ses lacunes, l’expérience a réintroduit l’idée que l’on pouvait s’opposer à la pieuvre étatique nucléaire en s’attaquant directement à elle, là où elle montre des signes manifestes de faiblesse : les transports de matières radioactives.

A Valognes succéda Coutances qui sera à l’origine de la constitution de l’assemblée du Chefresne. L’idée de constituer une assemblée autour du village qui semblait le plus investi dans la lutte anti-THT était de prolonger sur ce terrain la lutte commencée plus tôt et de s’attaquer à un autre point faible du délire nucléaire, ses lignes THT et leur vulnérabilité. Mais l’idée était également de faire de cette assemblée, de l’occupation d’un bois voué à être détruit et du château d’eau des espaces de rencontres et de discussion, d’appropriation directe de la lutte par ceux et celles qui désirent la vivre ; futurs expropriés par le tracé, opposant-e-s aux THT ou au nucléaire ou aux deux, locaux, non locaux, etc.

Durant plusieurs semaines se sont succédés moments de rencontres et actions de harcèlement sur les travaux en cours : déboulonnages collectifs, actions d’interférences nocturnes, blocages de chantiers, réunions publiques, etc. Mais cette assemblée n’a jamais prétendue être l’unique lieu d’opposition à la THT, ni une entité homogène. Ce combat revêt de multiples visages. Et nous tenions donc face à certaines positions qui émergent dans ce mouvement, défendre la nôtre, non pour le goût morbide de la polémique, mais par souci de clarté, et surtout pour peut-être mener une sorte de retour d’expérience.

Aujourd’hui, l’arrivée de la gauche au pouvoir semble avoir réactivé chez certain-e-s une étrange inclinaison électorale et l’idée que l’on pourrait négocier l’arrêt des chantiers en cours. Selon « La Manche Libre » du 21 mai dernier des anti-THT membres du collectif Stop THT désireraient comme à Notre-Dame-des-Landes un moratoire sur la THT. Plus tard, quelques anti-THT, ne représentant qu’eux et elles-mêmes, ont décidé de rencontrer le président du conseil régional de Basse-Normandie, ce même conseil régional socialiste qui vota une motion pour que l’EPR s’installe, avec le silence complice des élus écologistes, à Flamanville. Plus récemment, une rencontre faillit avoir lieu avec des émissaires de François Hollande, lors de sa venue sur les plages du débarquement, avant que le début des travaux le même jour au Chefresne ne vienne la faire capoter.

Révolutionnaires anti-autoritaires, nous n’avons jamais cru en l’action électorale, non par idéologie mais parce que nous savons depuis longtemps que nucléaire et Etat sont intimement liés, que nous connaissons le rôle actif de la gauche dans la mise en place du programme nucléaire et les errements opportunistes des écologistes d’Etat plus prompts à aller à la soupe qu’à contrecarrer l’avancée du nucléaire. Faut-il rappeler que Mitterrand fut l’un des promoteurs du programme nucléaire en France ? Qu’à Chooz, dans les Ardennes, ce sont les CRS du gouvernement socialiste qui occupaient militairement le village pour affronter conjointement antinucléaires et sidérurgistes ? Que plus récemment les écologistes d’Etat n’ont eu de cesse de rallier les positions de leurs alliés nucléaristes, de la signature des décrets d’application de l’usine Melox fabricant le célèbre combustible nucléaire Mox en 1999 par la ministre verte Dominique Voynet au vote au parlement européen en 2009 d’une motion pro-nucléaire sur le réchauffement climatique porteuse parait-il de nombreuses avancées.

Avec l’industrie nucléaire et ses THT c’est tout un monde qui travaille de la domination capitaliste de l’homme sur lui-même et la nature, à la domestication étatique de l’ensemble du vivant. Ce sont les mêmes, Vinci, Bouygues, Monsanto, Areva, gouvernements, chantres de la métropolisation des villes qui construisent THT, centres de rétention, aéroports, centrales nucléaires, lignes TGV, centrales à gaz, éoliens offshore, tout ce monde dans lequel on se retrouve lentement incarcérés entre une leucémie programmée et un cachot. C’est ce même monde qu’ils morcellent à l’infini pour nous donner l’illusion que rien n’unit l’ensemble des destructions en cours et à venir et qu’ils présentent comme le moins mauvais des mondes possibles. C’est cette domestication que nous refusons comme un tout et donc avec elle la médiation de l’Etat. Qu’il renonce à son projet de THT et qu’avec ce renoncement s’initie une lutte beaucoup plus globale contre ce monde est notre seul horizon.
En outre, le moratoire présenté à Notre-Dame-des-Landes par les écologistes comme une grande victoire n’est en fait qu’un leurre chargé d’éteindre une contestation autour de la métropole nantaise qui aurait fait tache dans la campagne du nouveau premier ministre Ayrault. Ce moratoire a également l’avantage de diviser les opposant-e-s. Les occupant-es sans droits ni titre de maisons inoccupées de la Zone à défendre (ZAD) ne sont pas concernés par des accords auxquels ils ne souscrivent pas, et ceux et celles que l’Etat juge les plus radicaux sont ainsi isolé-e-s. Leurs futures expulsions préfigurent alors celles qui suivront.

L’exemple récent porté par le maire du Chefresne et certain-e-s de ses administré-e-s montre bien que l’Etat, la justice, s’assoient ouvertement sur les desiderata des populations locales, mais non parce qu’ils bafoueraient la démocratie mais parce que c’est l’essence même de la démocratie représentative de servir de cache sexe d’un Etat par essence autoritaire et lié aux intérêts du capital.

L’autre face de cet Etat nucléaire, c’est son arsenal répressif. Depuis quelques semaines, la répression s’est invitée au cœur même du mouvement. D’actions publiques en actions publiques, la répression est devenue plus féroce. Ce sont en tout plus d’une vingtaine de personnes auxquelles s’intéressent officiellement aujourd’hui les services de gendarmerie et plusieurs procès sont également en cours. Les convocations pleuvent tout autant que les filatures, avec leurs litanies d’intimidation.

Depuis janvier, les actions publiques de déboulonnages comme celles d’occupation de chantiers se sont multipliées. Elles ont rendues visibles, et c’était leur but avoué, toute la vulnérabilité des installations de RTE et qu’une foule déterminée pouvait également être une force. Elles ont également permis une appropriation par tous et toutes de formes illégales de lutte. A noter tout de même au passage que ce sont bien ces deux aspects des actions qui étaient visés puisque les actions d’interférences nocturnes contre les chantiers de RTE ont eu beaucoup plus d’impact réel. Mais elles ont eu comme effets « pervers » d’exposer ceux et celles qui les portaient à la répression. L’Etat, un moment en partie désarçonné, a sans doute également laissé faire pour mieux fixer, identifier, ficher une contestation et monter des dossiers en vue de mieux dresser ses futurs gibets. Les premières assemblées avaient une vision assez claire de ces effets pervers qui semblaient pourtant inévitables en vue de nouer des espaces de rencontres, d’élaboration, etc.

Cependant, il ne faudrait que la désobéissance civile que nous avons utilisé comme moyen de lutte ne se transforme en idéologie autonome : une sorte d’obligation à s’exposer aux fourches caudines de la justice. Là aussi, une sorte de retour d’expérience s’impose. Faut-il rappeler que le mouvement des faucheur-se-s volontaires a largement reflué du fait des lourdes amendes que l’Etat a imposé à ses activistes ? Faut-il rappeler que cette désobéissance-là fait de l’Etat un organe neutre à même de trancher, là où, de fait, il est partie prenante des processus d’expropriation de nos vies en cours ? Faut-il aussi rappeler que les courants citoyennistes n’ont eu de cesse de dénoncer les fauchages clandestins et ainsi participer à criminaliser une frange très active du mouvement à même de porter de réels coups aux OGM ? Pour autant, une autre illusion serait de croire que tout se construit uniquement dans l’ombre des sociétés secrètes et des affinités électives. L’Etat adore les démanteler ou les inventer. Et si conspirer c’est respirer ensemble, ça ne l’est que jusqu’à qu’on nous coupe le souffle parce qu’on nous a isolé, matraqué, enfermé. Le repli sur des actions isolées ne renverrait chacun qu’à son isolement, son atomisation, si chère à la société dominante. Et les discours fanfarons sur l’innocuité de l’Etat et de son arsenal répressif ne sont ni plus ni moins marqués du sceau de l’irréalité que ceux et celles qui voient dans l’Etat une pieuvre toute-puissante.

Les prochains mois vont donc être particulièrement importants en terme tactique. Comment continuer à porter des actions qui nous permettent de nous croiser, de discuter, d’élaborer, mais qui nous évite également de nous exposer trop facilement à l’arsenal répressif ? Comment maintenir une solidarité réelle lorsque la répression cherchera à nous isoler entre bons citoyens et méchants irresponsables ?

C’est en tout cas ce que ces derniers mois nous ont appris, au travers de ces moments informels au détour d’un repas commun ou d’une nuit de veille, cette étrange ferveur qui nous lie soudain dans ce goût de résister au monde qui se déploie sous nos yeux et qui s’érige au détour d’un pylône. C’est ce lien subversif au cœur des luttes qu’il s’agit d’entretenir et de partager plus largement. Il est au moins aussi important que la nécessité d’abattre une ligne en cours de construction. C’est cette opposition tangible au monde tel qu’il tourne au désastre, sans représentant-e-s, ni chefs que nous pouvons espérer propager.

Juin 2012
Le CRAN (Collectif Radicalement AntiNucléaire)


Retour sur le week-end de résistance au Chefresne 22-24 juin 2012

Source : http://www.stop-nucleaire31.org/spip.php?article97

Le 24 juin 2012 sur la commune de Montabot, Manche, nous avions donné rendez-vous aux forces de l’Ordre et notre invitation a bien fonctionné : elles étaient là. L’assemblée du Chefresne avait décidé en mars d’organiser un week-end de résistance au projet de ligne THT « Cotentin-Maine » actuellement en construction, avec pour ambition de créer des « interférences sur la ligne ». La commune du Chefresne résiste depuis le début, depuis 2006 : elle ne veut pas de THT sur son territoire. Il y a parallèlement, à cette opposition officielle, une ribambelle d’actions qui ont été menées contre des pylônes, du matériel de RTE. Nous sommes venus soutenir ces « rebelles » car le problème est mondial. Oui mondial.

Les massmedias oubliant systématiquement le fond du problème, nous sommes obligés de rappeler systématiquement qu’ils font partie intégrante du régime totalitaire dans lequel nous vivons. La société du spectacle et la manipulation de masse des opinions a succédé aux dictatures directes et brutales du Xxè siècle. Il n’y a plus besoin de tuer des opposants politiques qui pensent autrement que le pouvoir central, il suffit de mentir partiellement sur eux dans les massmédias, de détourner le sens de leurs actions et de leur paroles. Mentir partiellement est nettement plus efficace que mentir de manière éhontée. C’est encore ce qui s’est passé avec les articles de « Ouest-France » par exemple. Bien mal avisé celui qui ne lit que cette presse de propagande du Préfet.

Après tant d’années de résistance, le Maire du Chefresne a fini par démissionner de son mandat, et ses conseillers aussi. La pression venant du Préfet s’est accentuée au fur et à mesure que la ligne se construisait. L’histoire du camp Gaulois qui résiste avec une potion magique, c’est de la bande-dessinée. Et là, on en est loin : l’avant-veille du camp, le 20 juin à six heures du matin, des gendarmes mobiles ont défoncé la porte d’entrée du château d’eau communal, ont violemment expulsé les gens qui y dormaient puis ont confisqué le matériel qui y était entreposé : banderoles, affiches, tracts, ficelles, scotch. Un camion bâché est arrivé, des militaires en sont descendus et ont investi le château d’eau. Le Maire s’est alors rendu sur place avec son écharpe tricolore, a expliqué que le bâtiment communal avait été légalement prêté à une association « loi 1901 », mais les nouveaux squatters sont restés sur place. Il faut dire que d’en haut du château d’eau, les forces de l’Ordre avaient une excellente vue sur le camp de resistantes, mais aussi sur les pylônes 221, 222, et 223, situés sur la colline en face, à Montabot.

Au camp le samedi 23 juin après-midi, un adjoint du Maire du Chefresne est venu et s’est lancé dans un témoignage de leur combat pendant toutes ces années. Au bout de dix minutes à revivre les épisodes de leur lutte, sa voix s’est étranglée lorsqu’il a voulu remercier les trois cents jeunes qu’il avait devant lui, d’être venus les supporter. L’émotion l’a empêché d’en dire plus. Un éleveur victime en 1981 de la construction de la première ligne THT en Cotentin a parlé du combat qu’il mène depuis, puisqu’il a toujours refusé les sommes d’argent proposées par EDF et les cabinets ministériels en échange de son silence. De la nature des sols dépend des phénomènes d’induction qui perturbent les animaux. Dès qu’une ligne THT apparaît, les bêtes souffrent. Mais sur 6000 éleveurs en France, si 60 d’entre eux vendent leur exploitations pour la transformer en parcelle de céréales à cause de la ligne, l’Etat s’en contrefiche. La « Justice » a suivi, comme Himmler a suivi Hitler. Jamais un éleveur n’a obtenu gain de cause face à RTE, EDF et l’Etat : le juge oublie son devoir comme on efface la craie sur un tableau noir. Et l’on est censé oublier ce qui est présenté comme des cas isolés.

La ligne THT Cotentin-Maine est le pur produit de la mafia des cupides-autoritaires qui organise le régime totalitaire en France et ailleurs : cette ligne participe à la création d’un gigantesque réseau de circulation d’information mondial, avec non seulement vente d’électricité mais aussi contrôle des populations et automatisation de leurs échanges avec l’administration centrale. Le courant électrique sera produit par des éoliennes en mer du Nord, par des centrales nucléaires comme l’EPR de Flamanville, mais aussi mécaniquement par les trois réacteurs de Tricastin qui sont maintenant libérés de l’alimentation électrique de l’usine Eurodif qui a fermée. On vient d’apprendre qu’il y a une ligne THT en prévision dans le Pas de Calais, à Arras. En Allemagne, pas moins de cinq lignes THT sont programmées pour évacuer l’électricité des parcs éoliens offshore de la mer du Nord vers toute l’Europe. La THT de Perpignan -enfouie- servira pour l’électricité solaire venant du Sahara. Bref, les lignes THT sont des infrastructures juteuses qui font faire des sacrées affaires aux producteurs d’électricité et de services d’acheminement d’information. La France, comme disait Talleyrand sous l’Empire, « c’est une bonne affaire ».

Concernant notre action, il n’était bien sûr pas question pour les forces de l’Ordre de nous laisser accèder aux pylônes le jour prévu. Ils ont donc encerclé le camp dès le soir du 23 et il n’y avait aucune autre possibilité qu’une rencontre frontale. A Valognes, le 23 novembre 2011, quelques enfants de la liberté avaient pu accéder aux voies de chemin de fer pour saboter la ligne SNCF et rabattre le caquet à Areva et son papa l’Etat en retardant le départ du train de nuclear marchandizing vers l’Allemagne. A Montabot le 24 juin 2012, il n’y avait qu’une seule issue dans le bocage normand : les pierres contre les grenades, une marche pour l’honneur. Avec deux blessés à l’oeil et deux à la jambe, plus un jeune arrêté après avoir été tabassé, le bilan est honnête car il faut bien reconnaître que s’ils avaient voulu l’alourdir, ils auraient pu : une vingtaine de gendarmes mobiles ont repoussé deux cent cinquante manifestants jusque dans leur camp, les bronches pleines de gaz « CS », à la limite de l’asphyxie. Ils avaient de quoi les exterminer.

Beaucoup de lecteurs se poseront la question de l’inconscience : à quoi cela sert-il de caillasser pour caillasser ? Il nous apparaît que parmi les différentes mouvances qui refusent le régime totalitaire, celles qui prônent l’action directe, la violence, la clandestinité, ont pu avoir du crédit dans ce qui s’est passé à Montabot. Le dilemme se posait en 1941-1943 en France occupée : les actions violentes des FTPF semblaient démesurément faibles vu l’effet produit sur l’adversaire. Si la violence est en soi condamnable, il faut comparer celle produite par les enfants de la liberté à Montabot en 2012, à celle perpétrée en permanence par l’Etat et ses myriades d’entreprises cupides-autoritaires : la fabrique de l’exclusion sociale et de la précarité au service de la baisse du coût du « travail », le chômeur ou le fainéant comme nouveau « juif » à culpabiliser, dénoncer et discriminer. Une fois qu’on a vu mais surtout vécu la violence institutionnelle, on trouve que lancer une pierre sur une cohorte de professionnels de la guerre, c’est peu de choses, même si cela n’a rien de glorieux car nous sommes tous fait pareils.

Nous savons que les forces de l’Ordre nous fichent et qu’elles n’hésiteront pas à nous arracher à nos vies sur terre si nous venions à obtenir un crédit auprès des gens. Notre seul espoir à tous, par-delà les frontières, c’est qu’une grande masse parvienne à réaliser dans quel monde elle vit, prenne conscience de sa vie. Ceci afin de faire tomber la main-mise des massmédias sur le cerveau qui annule les informations des organes sensitifs comme l’éblouissement de la pleine lune, la fraîcheur de la mare, le claquement d’un bec sur l’écorce, les paroles des vieux, la courbe d’un nu.

A la lecture de ce compte-rendu, nous pensons avoir fait passer l’essentiel : notre détermination n’a fait que grandir, s’affermir sur le camp de résistance du Chefresne. Nous appelons à l’utilisation de la diversité pour construire un mouvement d’une ampleur considérable dont la base ne devra jamais céder un pouce de terrain ni à la société nucléaire et son monde, ni au gouvernement représentatif, dont les deux organes – la pyramide des élus et la pyramide des fonctionnaire- organisent l’impuissance politique du peuple avec l’instrument des massmédias.


Sur la lutte anti-THT et les affrontements lors du “Week-end de résistance à la ligne THT” (22, 23 et 24 juin 2012)

Source : http://bit.ly/MlvYDa

“Des scènes de guerre” : la bataille de la ligne THT racontée par une rennaise

Des affrontements ont éclaté dimanche dernier au Chefresne, un petit hameau de Normandie situé sur le tracé de la future ligne Très Haute Tension (THT) Contentin-Maine. Au moins deux escadrons de gendarmes mobiles (120 agents) ont été mobilisés pour contenir le demi-millier de manifestants, venus de tout le grand Ouest en solidarité avec les militants locaux, qui demandent l’arrêt du chantier. Un « week-end de résistance » d’abord calme et pacifique, mais qui s’est soldé par une démonstration de force policière.

Le bilan officiel fait état de quatre blessés : deux policiers atteints à la main et au bras, et deux militants hospitalisés, dont un touché à la tête. Mais c’est sans compter les blessés légers dans les rangs des manifestants, que les forces de l’ordre auraient chargé sans sommation. Des affirmations confirmées par le témoignage de Mélanie (le prénom a été modifié), de retour à Rennes après un long périple à vélo. Un récit complet de cette journée, d’autant plus surprenant qu’aucun média n’a été autorisé à approcher le camp …

Quel a été le point de départ de ce week-end de résistance anti-THT ?

La décision a été prise par l’assemblée générale qui se réunit tous les mois depuis l’occupation du bois du Chefresne, commencée en avril. Cette AG a été lancée suite à celle de Coutances, où a eu lieu le débriefing de Valognes (mobilisation contre le passage du train de déchets nucléaires, novembre 2011, ndlr.). On a tenu compte des critiques sur l’organisation formulées à cette occasion, et cette fois on a vraiment essayé de décider horizontalement : l’assemblée était ouverte, et tout le monde a pu participer. Les décisions étaient prises au consensus. Au début, le maire du Chefresne était un peu surpris par ce fonctionnement-là, il se disait qu’on arriverait pas à prendre des décisions de manière efficace, et que ça allait être le bordel. Mais au final ça a très bien marché, on avait des commissions pour l’eau et l’électricité, pour s’occuper des barnums et des chapiteaux, etc.

Pourquoi les militants antinucléaires de Valognes sont-ils venus au Chefresne ?

La lutte anti-THT est aussi antinucléaire, c’est pour cela que les deux sont liés. Ce sont des militants qui viennent d’un peu partout, par solidarité contre les grands projets inutiles imposés par l’Etat, l’armée et les entreprises privées, et qui nous dépossèdent de nos vies. Certains arrivaient de Brest (opposants à la centrale au gaz de Landivisau), d’autres de la ZAD (mobilisation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ndlr.), ou encore de Lille, parce que là bas aussi, une ligne THT va être construite (Lille-Arras). Beaucoup sont venus des environs, de Manche et de Mayenne. Nous étions à peu près 450, en tout cas c’était le nombre de repas servis le samedi à la cantine.

Comment les personnes concernées par la ligne THT vous ont-elles accueillies ?

Leurs motivations sont très différentes : il y a ceux qui se battent parce qu’ils ont un pilonne dans leur jardin, mais ne sont pas du tout contre le nucléaire, et puis d’autres qui ont très bien compris que la THT va de pair avec la centralisation énergétique, et que sans la centrale EPR, cette ligne n’existerait pas. Juste avant le camp, on a fait une randonnée à vélo pour aller à la rencontre de la population, et chaque soir on était invités dans des fermes de paysans concernés par la ligne THT. Les gens nous expliquaient que dans les associations locales, avant que le fuseau ne soit défini, il y avait encore beaucoup de monde, des manifestations avec des milliers de personnes dans des petits villages. Mais aujourd’hui, il n’y a plus que ceux qui ont un pilonne dans leur jardin qui se mobilisent… Certains se battent à cause des impacts directs sur leur santé, d’autres militent pour la production d’électricité de manière alternative, et un autre développement.

Que sait-on de l’impact environnemental des lignes THT ?

On a rencontré un couple de maraîcher bio, dont le mari est électrosensible. Pour lui, c’est tout simplement invivable. Il y a des ondes électromagnétiques très fortes, des risques de leucémie, de cancer, de dépression, de migraines… Une enquête publique a été faite par des associations locales sur une ligne déjà existante, et a montré les dégâts sur les gens, leur santé, ainsi que sur les animaux. On a aussi des enquêtes étrangères qui prouvent ces risques, mais en France, c’est secret défense. Dans la plupart des pays européens, il n’y a pas de population a moins de 100 ou 300 mètres des lignes, alors qu’ici, il y a des gens qui vivent juste en dessous de la ligne.

Les récits sur la journée de dimanche sont plutôt confus… que s’est-il passé ? 

Le camp de résistance se déroulait le week-end du 22 au 24 juin, mais le vendredi et le samedi c’était surtout des discussions en assemblée, sur l’écologie politique et les perspectives de lutte anti-THT. Et aussi beaucoup de réunions où les stratégie des actions de dimanche étaient élaborées : une premières manifestation, à laquelle participait la population locale, devait se rendre au Chefresne, à une dizaine de kilomètres du camp, une seconde devait bloquer des routes, pour permettre à d’autres groupes d’accéder aux pilonnes. Nous, on devait bloquer un passage, mais en descendant le chemin tout a commencé très vite, dès qu’on a vu les policiers, on s’est retrouvé sans sommation au milieu des lacrymogènes, dans une véritable souricière. C’était une grosse erreur, car on savait qu’ils étaient là et on s’est dit qu’on pouvait les repousser, mais c’était impossible, car après les gaz, ils nous ont balancé des grenades assourdissantes.

Qu’est-ce qui explique le nombre élevé de blessés sérieux et légers ?

Certains affirment que la police utilisait un nouveau modèle de flashball, avec des munitions à fragmentation. Il y a eu beaucoup de tirs tendus, à moins de deux ou trois mètres. J’ai des amis qui ont été blessés par des éclats de grenade dans les jambes. On a quitté le chemin pour aller dans un champ, mais c’était irrespirable, alors on a fait fait demi-tour, et ils ont tabassé les gens par derrière, à coups de matraque. Ils nous ont poursuivi alors qu’on battait en retraite. C’était une vraie bataille, on entendait partout crier « attention, il y a des blessés ! », et plus loin « quelqu’un a perdu un oeil ! », on voyait des gens transporter leurs amis… Quand on a finalement regagné le camp, installé sur une propriété privée, des paquets de fumigènes ont été lancés au niveau de l’entrée, et à l’intérieur, c’était la désolation. L’équipe dans la tente médicale était affolée, on entendait sans cesse : « c’est un carnage, il y a du sang partout ». C’était des scènes de guerre.

Avez-vous des nouvelles des manifestants hospitalisés ? 

Une militante a été transférée au CHU de Caen, apparemment elle n’a pas perdu son oeil. Un autre avait été touché au bras, il est sorti mardi de l’hôpital. Beaucoup sont allés se faire retirer les éclats dans les jambes… ou pas, parce que c’était trop profond, et les médecins ont préféré les laisser dans la cuisse, car les sortir aurait fait plus de dégâts. Il y avait aussi beaucoup de brûlures, à cause du plastique fondu. Vraiment très trash.

La justice a-t-elle était saisie suite à ces affrontements ?

Des plaintes ont été déposées, mais souvent la justice déboute les opposants. RTE dispose d’une ordonnance, qui lui donne droit à 2000€ par heure de blocage sur les chantiers, et ça, c’est appliqué tout de suite. Mais quand les gens concernés portent plainte pour violation de propriété privée, cela prend des mois, et en attendant, la ligne se construit. Les formes d’actions sont complémentaires : le recours juridique, la désobéissance civile, le sabotage clandestin… toutes sont les bienvenues. Les déboulonnages publics servent aussi à démocratiser le mouvement, à montrer qu’on peut agir concrètement, qu’il ne faut pas rester passifs, et reprendre possession de nos vies.

A l’heure actuelle, où en sont les travaux ?

Les pilonnes se construisent assez rapidement, mais depuis des mois, des actions publiques de déboulonnage ont lieu régulièrement. Au départ, c’était possible, mais il y a de plus en plus de répression, maintenant les gens ont peur : le procès d’un déboulonneur s’est tenu mardi dernier à Coutances, et RTE (filiale d’EDF, ndlr.) demande 6000€, pour 4 boulons. Il y a aussi eu des actions de nuit, des pilonnes ont été sciés, des machines sabotées… d’ailleurs, RTE a avoué pendant ce procès que cela lui coûtait beaucoup d’argent, et que les travaux avaient pris du retard. Du coup, on a voulu refaire une action de masse, voir si c’était encore possible, mais ça ne l’est plus vraiment… ce qui favorise la radicalisation, et encourage les actions clandestines, moins transparentes.

Y a-t-il eu des suites à l’expulsion des opposants du château d’eau, peu avant le camp ? 

Le bâtiment a été récupéré par le préfet en toute illégalité (il n’y a pas eu de mise en demeure avant l’intervention, ndlr), alors que le maire le louait à une association locale. Maintenant, des militaires gardent le château d’eau, c’est de la folie, on ne se rend pas compte à quel point c’est irréaliste. Le maire a fait constater par voie d’huissier le « squat » illégal du château d’eau par le préfet, on va voir ce que ça donne. Deux semaines avant le camp, la répression a vraiment augmenté dans le bois, le maire du Chefresne a été convoqué à la gendarmerie, plusieurs personnes (dont le maire, ndlr.) ont fait 10h de garde à vue. Ils ont voulu boycotter les élections dans la commune, mais le préfet les a réquisitionné d’office. En réponse, le maire et son conseil ont démissionné collectivement.

Les journalistes ont systématiquement été tenus à l’écart du camp. Pourquoi ?

Il y a toujours eu une grande méfiance vis-à-vis des médias dans tous ces contre-sommets, parce que les propos sont souvent déformés, manipulés dans une toute petite fenêtre… Même si on sait que la lutte passe par la médiatisation, la grande presse, parce qu’il faut bien sensibiliser, ce n’est pas notre but premier, car on sait que cela passera tard, ou dans un format trop court pour avoir le temps d’aborder le fond. L’objectif principal, c’est d’atteindre RTE, et l’Etat. On avait une commission « auto-média », car on préfère faire nos propres images, nos propres communiqués. Des porte-parole ont été désignés, mais on doit faire très attention parce que ceux de Valognes sont aujourd’hui inculpés pour incitation à la violence, destruction de biens publics, et organisation de manifestation illégale… des accusations lourdes, alors que certains n’étaient même pas sur place ! L’Etat est incapable de comprendre qu’on fonctionne sans chef. Et comme il n’avait rien à se mettre sous la dent, ce sont les porte-parole qui en ont fait les frais. C’est pour cela que maintenant on se méfie encore plus de notre parole médiatique, pour la sécurité des gens… Face à la répression, on a pas trop le choix.

A froid, que pensez-vous de l’impact de cette journée sur la mobilisation ?

C’est pas vraiment encore à froid… On savait que le moment ne serait pas propice au sabotage, qu’on ne pourrait pas faire grand chose, que cela serait surtout un temps de rencontre, de discussion. Vu la répression actuelle, on ne peut pas atteindre les pilonnes. Malgré tout, il y avait beaucoup de gens qui étaient très organisés, très déterminés, qui ont voulu y aller, mais la force face aux policiers… on y arrivera jamais, ils sont surprotégés, sur-armés, et on manque de mobilité. La veille et l’avant-veille, on aurait pu faire ce qu’on voulait : pendant un jeu de piste, on était sur les chantiers, il n’y avait aucun policier. Mais on est bien obligé de donner des indications pendant les AG, même si on sait que des RG peuvent être présents… C’est dur à trouver cet équilibre entre l’ouverture, pour que tout le monde puisse participer, qu’il y ait une horizontalité, et en même temps d’organiser des actions secrètes efficaces. On a pas encore trouvé l’alchimie.

Leur presse – RennesTV.fr (Olivier ROTH), 30 juin 2012


Derrière l’urgence, la bêtise. Retour sur le week-end de résistance du Chefresnes.

Source : http://nantes.indymedia.org/article/25907

Avancer en ayant oublié sa tête c’est revenir en ayant perdu un bras.

Retour sur le week-end de resistance au Chefresnes

Laisser place à la fragilité ou tout détruire.
Je me suis fait tirée dessus par un flic.
J’ai 15 impacts de métal dans le corps et ils y resteront ; la jambe, l’os du genoux, le vagin, le sein, le bras. Le nerf de mon bras droit a été sectionné, on a du opérer. Dans un an peut être je retrouverai ses capacités.
J’écris pour qu’"on" ne puisse pas dire qu"on" ne savait pas. Qui veut savoir sait.
J’écris pour qu’on arrête de nous censurer, frapper, enfermer, tuer derrière une soit disant démocratie et un soit disant état de droit.
J’écris parce que je n’en peux plus qu’on renvoie les violences aux pays lointains et pauvres en se décharge lâchement des questions révolutionnaires qui se posent en tunisie, en lybie, en Egypte, en Syrie ... disant qu’en France c’est pas la même, qu’en France c’est différent, et même pire...

Ecrire parce qu’’à 20ans j’ai subie, vu et entendu trop de violences policières derrière des vitrines de mensonges et de propagande marchande.
Écrire parce qu’il m’est insupportable de sentir cette boule d’angoisse dans mon ventre quand je croise un flic, et ce brouillard de solitude et d’impuissance face au système policier.
Écrire faute hurler que ça ne peut plus durer, et de prendre acte.
Ecrire parce que la liberté dans la civilisation occidentale est un mensonges meurtrier.
Ecrire parce qu’il y a trop de silences et de mensonges sur la répression, sur nos luttes, sur les dangers du nucléaire, entre autre, sur la violence du système.

Cette fois-ci, ça s’est passé au Chefresne, une commune qui résiste à l’implantation d’une ligne très haute tension de 170 km de long (cette ligne participe à la création d’un gigantesque réseau de circulation d’information mondial, avec non seulement vente d’électricité mais aussi contrôle des populations et automatisation de leurs échanges avec l’administration centrale. Le courant électrique sera produit par des éoliennes en mer du Nord, par des centrales nucléaires comme l’EPR de Flamanville, mais aussi mécaniquement par les trois réacteurs de Tricastin qui sont maintenant libérés de l’alimentation électrique de l’usine Eurodif qui a fermée ;
http://antitht.noblogs.org/255 )

Mais je porte en mois bien des blessés, bien des morts, bien des non dits, pas qu’en France, pas qu’ailleurs .
Je porte en moi des prisons pleines et je sais les impunités à répétions pour les bourreaux légitimes.
Amin Bentounsi a été assasiné le 21 avril par balle, dans le dos, et suite à ça des policiers manifestent armés, en uniforme, revendiquant le droit de tuer en prevention.
Depuis leur mise en services le flash ball, les grenades assourdissantes et celles de desenclerment ont fait beaucoup de blessés, des oeils perdus, des plaies, des handicaps, des morts ; personne n’a gagné devant la justice.
Je sais des villes de plus en plus sécuritaires, un arsenal juridique de plus en plus liberticide, le perfectionnement du contrôle de la population en meme temps que celui des frontières.
J’écris parce que j’en ai marre qu’on me demmande si "ça va". A ceux à qui j’ai dit "oui", la politesse ou l’habitude.
bref.

Nous nous sommes fait tirés dessus sous des pylones THT qui pullulent dans la campagne, dans un désastre mondial qui menace de péter à tout moment et dans lequel on nous voudraient civilisé, passif. Nous, à force, dépossédés de presque tout ; de notre histoire, de son sens, du langage, de l’information, de nos corps, de nos désirs, de notre temps, de nos vies. Alors qu’on nous voudraient inoffensifs, craintifs, non violents, je ne veux pas qu’on me parle comme à "la malade", qu’on m’infantilise, qu’on me plaigne. J’ai besoin qu’on prenne soin des uns des autres, pour durer, j’ai besoin qu’on riposte aussi. J’ai besoin, pour guérir, d’un système sans flics, sans pouvoir.

Oui, tenons compte des dégâts d’un fragment de guerre sociale explicite, de son lot de douleurs et de violence, mais n’abandonne pas, organisons nous. Ce qui ne tue pas rend plus fort parait-il, à condition de ne pas se mentir.

Vous voulez des détails ? Les mass-médias sont venus dans ma chambre d’hôpital avant l’opération. Un médecin généraliste, présent sur le camps, avait témoigné des violences policières et de l’utilisation d’armes de guerre ( grenades de Dé-encerclement, grenade assourdissantes, gaz lacrymogène, matraque...) laissant de nombreux blessés. Il avait été formidable sur le camps mais là il arrivait géné ; les mouches à merde du pouvoir, autrement dit les journalistes, voulaient filmer les impacts de métal dans les corps pour diffuser le témoignage. Pas d’image, pas de parole, c’était leur chantage. Ils restèrent une heure dans la chambre, tentant de se défendre de la bassesse de leur journaux (voir les revues de presse sur : http://www.percysoustension.fr )et de leur démarche.
En voyant, sans surprise, ce qui en sort, un rectificatif s’impose.

L’avancée des travaux de la ligne rend plus qu’urgente et nécessaire une résistance concrète et de terminée sur les infrastructures.
"Il est maintenant évident et nécessaire, vu ce que nous imposent les pylônes dressés sur nos terres, que beaucoup de personnes sentent l’envie en eux d’agir directement contre ce maillon faible de l’industrie nucléaire vu l’inacceptable répression des opposants, les droits fondamentaux des personnes bafoués, les humiliations qu’inflige RTE à la population." (extrait de l’appel tous au chefrenes, wk de resistance ; http://www.stop-tht.org/)

Ces lignes participent à la dépossession de nos vies et s’imposent avec la même arrogance et le même fascisme que l’aéroport à Notre Dame des Lande, le tgv entre Lyon et Turin, la centrale à gaz au Finistère, les éco-quartiers dans nos villes gentrifiées ou encore que les prisons à visages humains, belle image de l’hypocrisie du merdier actuel.
Alors d’où vient la violence ?

On le sait et on peut s’en indigner après coups, mais il est important de le rappeller : les appels publiques de rencontres ou d’action entrainent inévitablement un énorme déploiement du dispositif policier : Occupation policière et militaire du territoire, contrôle et fouilles de ceux qui y passent, surveillance (hélicoptères, dispositif d’écoute), renforts entrainés au terrain ( dans le cas du Chefresne, la spig, les garde mobile de blain, entrainé sur la lutte de notre dame des landes). ILs étaient plus de 500 armés sous les pressions d’une préfecture traumatisée par Valognes (ou la perte de la maitrise d’un territoire.)
Leur volonté semble clair : casser le mouvement, faire mal, physiquement et moralement.

Alors que les mass-media construisent méticuleusement la figure du dangereux radical qui veut en finir (avec on ne sait quoi) et qui vient de loin pour ça ( figure menaçante et complètement dépolitisée), ils passent sous silence les luttes et la répression croissante qu’elles subissent. Un territoire qui résiste est souvent occupé militairement, comme on le voit au Chefresne, à Notre Dame des Landes ou encore au Val de Suse ; Sur fond d’expropriation, d’expulsions se déroulent quotidiennement les pressions psychologiques, financières, judiciaires et policières. Derrière la soit disant liberté de penser : l’interdiction d’agir. On nous tanne d’être non violent sous une violence croissante.

Le 24 juin, une manifestation est partie vers le château d’eau, lieu de rencontres et de résistances, expulsé le mercredi 20 juin. Un autre cortège, dont je faisait partie, est allé en direction des pylônes (deux debout et un encore au sol). Il est difficile de dire s’il faut définitivement abandonner toute action de masse annoncée, si c’était un casse pipe d’aller à ce qui ne serait qu’affrontement anticipé par des flics mieux équipés, de se dire que la peur l’envie d’annuler était presente la veille et le matin et qu’elle était peut être sagesse. Il semble important de questionner nos mode de prise de descision dans des moments d’urgence et de "spectacle" comme celui-ci. "La marche pour l’honneur" mentionné dans un retour (lien ci dessus) laisse un triste arrière gout de ces armées de déja-vaincus avançant vers leur perte. Etre transversales, imprévisibles, inattendus pour ne pas devoir devenir force militaire… Un ami me dit après coup " cette fois encore on est pas passé loin de la mort, un d’entre nous aurait pu y rester".

Dans la campagne grise de gaz nous n’avions pas le rapport de force ou l’intelligence nécessaire pour ne pas se faire repousser assez rapidement et violemment vers le camp. On entendait des détonations, des cris et sur la dernière charge les regards que je croisais étaient effrayés ou souffrants. Les lignes de flics, en entendant "il y a des blessés, du calme" se sont mis a charger en gueulant et tirant. Après avoir eu l’impression de bruler, j’ai eu celle de perde mon bras, puis la peur qu’ils nous tirent dans le dos ou qu’ils arrêtent. Quelqu’un m’a saisit et m’a sortie de là.
A ceux qui disent que la guerre est finie, je leur dis qu’elle est latente, cachée, mais qu’on peut compter nos morts, pour ne pas les oublier. Un opposant est passé il y a quelque années sous un train castor qu’il a voulu bloquer en s’enchainant sur la voie. D’autres y ont laissé leur tendons, brulé par la disque use des flics qui voulaient les enlever, d’autres … la liste est incomplète. Combien de morts par le nucléaire, de Hiroshima à Fukushima en passant par ceux qu’on cache chez nous, combien de tonnes de déchets qui s’entassent, combien d’irradiés, et combien de faux débats démocratiques ?

Là, c’était une tente médic pleine de blessés. Tristement mais efficacement les gestes et les réflexes se mettent en place : soigner dans l’urgence, maitriser sa douleur et accompagner celle des autres, évacuer malgré les barrages de polices, éviter celui qui bloquaient l’accès à l’hopital de st Lo, attendre deseperement les pompiers bloqués, subir la réquisition d’un de leurs véhicules pour évacuer un policier égratigné au détriment d’une fille risquant de perdre la vue …

En arrivant à l’hopital, je raconte tous ça en montrant mon corps mutilé. On s’indigne, on s’énerve, on déplore dans le service hospitalier pas familier des violences policière de la France de 2012. Certains auraient voulu aller à la manifestation mais travaillaient, certains m’ont dit en levant le poing de continuer la lutte, d’autres n’en revenait pas, quelqu’un m’a dit "nous avons fait la guerre en Normandie, on sait ce que c’est". J’ai au téléphone un responsable de l’accessibilité des soins de l’hôpital de st Lo ( par rapport au barrage, deux fourgons et une lignes de garde mobile sur la route-sur la voie d’accès au CHU). Je répète, je dis que les pompiers n’arrivent pas à accéder au camp, il me répond qu’il fait ce qu’il peut. Il ajoute surtout qu’il reçoit, depuis le matin, des pressions de la préfecture pour avoir le nom et la nature des lésions des blessés du Chefresne. Il m’assure que le secret médical ne permet aucune fuite. Je lui dit de tenir face aux pressions et je le remercie pour cela.

Je serai transférée et opérée. Je vous passe les moments où, dans cette chambre, j’ai eu l’impression d’être en taule ou que j’ai craint l’arrivée des flics, les moments où l’étonnement des gens me donnait envie de leur dire mais ouvre les yeux et informe toi, l’inquiétude pour ceux resté au camps, l’envie de parler avec tous ceux qui ont vécu ce moment, l’envie de dire que je n’en veux qu’aux flics, l’envie de casser la télé ou d’occuper le plateau au moment des infos régionales...

Je sais juste qu’un moment me hante ; cette heure entière où, mon bras anesthésié dans la salle d’attente du bloc opératoire, je n’ai pu m’empêcher et m’arrêter de pleurer. Pas que mon bras, pas que ces éclats, pas que le stress, mais la détresse de se savoir partie prenante d’une guerre pacifiée et dont les raisons comme les conséquences ne resteront connus que d’un petit nombre de camarades, noyées dans une indifférence générale.

J’ai une grosse question dans la gorge, que faire maintenant par rapport à cette violence policière. Je sais que je n’ai rien à attendre de cette justice de classe sinon une tribune ou une médiatisation du problème. Et encore. Je la sais quotidienne cette violence. Je nous sais nombreux enragés. Je nous sais un peu seuls et démunis aussi.

Déjà j’en profite pour affirmer que ce n’est pas être violent que d’aller avec casque masque à gaz et protection en manifestation, c’est la condition de notre survie physique.
Ensuite qu’il nous faudra être plus intelligents que la police, que leur juges, que leur infiltrés, que leur système de contrôle.
Et pour finir que j’aimerai bien qu’on ne laisse pas faire parce que l’on sait, car "qui ça étonne encore", les violences policières sont entrées dans la réalité et la banalité du politique.
Amal Bentounsi appelait à un mouvement national contre le permis de tuer pour la police, j’appelle à une insurrection internationale contre la police, ce qu’elle nous inflige, contre ce qu’elle défend, contre ceux à qui elle sert.
C’est facile d’écrire mais on ne sait jamais que ça soit lu.

A bientôt


Quelques critiques et interrogations sur le déroulement du week-end de résistance à la ligne THT Cotentin-Maine.

Le but de ce texte n’est pas de viser tel groupe responsable du programme du week-end ou tel groupe responsable de la stratégie de l’action du dimanche. Mais plus de mettre en lumière les difficultés organisationnelles et stratégiques qu’ont rencontrées les 500 personnes présentes lors ce cette manifestation qui a eu lieu du 22 au 24 juin 2012, en Basse-Normandie.

1. Annonce de l’action

Tout d’abord, je voudrais partir de l’annonce du week-end, et particulièrement de l’annonce d’une « journée d’actions contre la THT » (sur l’affiche) ou d’une « journée de ’’diversions’’ massives » (sur le programme détaillé du week-end). Sans poser la question suivante : Est-il vraiment nécessaire d’annoncer explicitement sur un quelconque support – jusqu’à préciser le jour – qu’il y aura des actions ? Arrêtons-nous sur le terme « diversions ». Il me semble plutôt évident (dans un contexte de lutte où, par exemple, le mot pique-nique a servi de prétexte à diverses actions) que ce mot a sûrement engendré des répercutions directes sur la façon dont se sont organisés et ont réagi les gardes mobiles, et plus largement le dispositif de répression étatique. Mais comment utiliser ce genre de termes pour ne pas que cela agisse à notre désavantage ?

2. Incompatibilité des discussions avec les actions prévues en fin de week-end

En plus des actions, sur le même mode que le camp de Valognes, étaient proposés deux jours de discussions pour débuter le week-end. L’initiative de Valognes n’a-t-elle pas montré, ainsi que certaines actions autour du Chefresne, qu’il était difficile – voire impossible – de se rendre pleinement disponible, aussi bien mentalement que physiquement, pour les discussions/débats quand une ou des actions sont à préparer ? Apparemment non. Mais le week-end anti-THT l’a encore confirmé. Une partie des discussions du samedi a été désertée par les divers groupes affinitaires et/ou géographiques, se réunissant afin de s’organiser pour les actions du lendemain. Sans parler du fait d’être préoccupé par cette dernière organisation et donc de ne pas avoir l’esprit à discuter, à prendre la parole ou tout simplement à se concentrer sur ce qui se dit. Les discussions sont tout de même très importantes dans tout mouvement d’opposition, surtout que ce n’est pas tous les jours qu’elles ont lieu.
Surgi alors le dilemme : « j’ai envie de participer aux débats, de m’informer mais je ne veux pas me retrouver en « touriste » au milieu des lacrymos le dimanche, qu’est-ce que je privilégie ? »
En ce sens, les rencontres autour de l’arrêt immédiat du nucléaire, en Saône-et-Loire [1] , organisées par le CAN 71, permettront de se sentir plus serein, plus disponible, plus attentif, etc., étant dépourvues d’actions (du moins directes).

3. Locaux, ’’visiteurs’’ et connaissance du terrain

Revenons sur l’action du dimanche et son aspect topographique.
Lors de l’assemblée générale faisant suite à l’action chaotique du dimanche 24 juin, plusieurs points ont été soulevés. Je reviens ici sur deux d’entre eux : la connaissance du terrain et la confiance. En effet, après la prise de parole d’une personne qui rendait compte de la difficulté à s’approprier une action quand on ne connait pas ou peu le terrain, une autre lui répondit de manière assez virulente (et un peu stupide à mon goût) : (de mémoire) « tu n’as qu’à venir ici pendant un mois pour apprendre à le connaître ! » Comme si tout le monde habitait à une heure de route du Chefresne (et de Montabot en l’occurrence, lieu du camp) et était disponible pour venir ne serait-ce que chaque fois qu’il y a une assemblée ou une action.

Il ne faut pas oublier la triste réalité qui est, pour la majorité d’entre nous, faite de travail ; ou si ce n’est pas le cas, nous sommes chacun inscrit dans un quotidien qui peut nous contraindre dans la gestion de notre temps, sur une courte comme sur une longue durée. Sans parler du côté financier corrélé à la distance géographique dans laquelle on se trouve.

C’est donc là que la confiance intervient. Effectivement, elle devrait pouvoir naître entre les personnes connaissant bien le terrain (du Chefresne aux alentours : le château d’eau, le bois de la Bévinière, le tracé des pylônes et ses divers chantiers en cours, etc.) et celles ne venant que rarement aux assemblées, aux actions, ou qui venaient uniquement pour le week-end de résistance. Attention tout de même, faire confiance ne veut pas dire le faire aveuglément (j’y reviens plus loin). C’est un des points les plus critiques concernant l’action du dimanche et particulièrement le choix de ce petit chemin – au nom certes très sympathique – des Hortensias, mais qui a laissé planer le même grand doute (désarroi ?) au dessus de nombreux cerveaux lors des ’’préparatifs’’ pour l’action.

4. Stratégie et remise au question

On y arrive justement à cette action – qu’on pourrait rebaptiser (avec une touche d’humour noir, j’en conviens) journée de ’’répressions’’ massives.
Il y en a des choses à redire sur la stratégie qui a été proposée pour ce dimanche 24 juin – je rappelle qu’il ne s’agit pas ici d’incriminer qui que ce soit, mais d’analyser ce qui a pu constituer une fragilité dans l’organisation de l’action.

Assez vite il a été annoncé en AG (le vendredi soir je crois) qu’il y aurait deux grands groupes : un qui partirait pour une marche pacifique, dans un style « manif’ traditionnelle » et un second qui serait dans l’action dite « directe ».

Le premier (G.1) – hétérogène, constitué de jeunes et moins jeunes, d’enfants (!) – devait partir du camp, sur la route, pour se rendre au Chefresne (au château d’eau – squatté de force par les pions de l’État – ou à la mairie, je ne sais plus...).

Le deuxième (G.2) – composé majoritairement de jeunes (sans oublier les moins jeunes), et sans enfants – devait descendre le fameux petit chemin des Hortensias, exigu, sombre, longé d’arbres et de clôtures, rendant l’accès difficile aux champs de chaque côté, surtout pour un groupe nombreux. L’intention du G.2 était d’aller bloquer un carrefour tout en bas du chemin, sachant que ce dernier longe grossièrement le tracé de la ligne THT avec deux pylônes dans le champ à gauche en descendant et un troisième non loin du carrefour en question. Le mot d’ordre du groupe était : rester compact.

À noter que plusieurs petits groupes (plus mobiles et ayant divers objectifs) ont été constitués, en plus du G.1 et G.2.
Une fois le « scénario » intégré dans les cerveaux ainsi que la connaissance du dispositif de répression – environ 600 gardes mobiles, plus le(s) PSIG (Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie), il apparut pour un grand nombre de personnes que l’action prévue pour le G.2 était vouée à l’échec – « on va au casse-pipe ! ». Certain-e-s, dans ce dernier groupe, avait la nette impression de servir d’appât. Il y eut plusieurs réactions face à cela : la fierté, car cela pourrait permettre aux groupes mobiles d’accéder aux pylônes ; le mécontentement, et donc la volonté de changer de groupe (G.1 ou un des petits groupes) ; l’indifférence, car certain-e-s ne s’en rendirent sûrement pas compte.

Avec du recul et après réflexions sur la situation au sein du G.2, plusieurs critiques émergent sur cette stratégie qui fit autorité et fut tentée.
Paradoxalement, malgré le grand nombre de gens ayant critiqué la stratégie, lors (et hors) des réunions du G.2, personne ne l’a remise radicalement en question en AG. Tout cela fait ressortir une sorte de suivisme, une non appropriation de l’action, et une sacralisation des assemblées générales [2]. Cet aveuglement et ce manque d’objectivité sont-ils les symptômes d’un attachement excessif au spectre de la démocratie directe ?

Un autre point critique, celui de la solidarité « forcée ». En effet, des personnes ont voulu renoncer à l’action du G.2, intégrer un autre groupe ou même rester au camp, la stratégie ne leur convenant pas. Mais des sentiments tels la culpabilité, le désarroi, etc. peuvent conduire à une solidarité non assumée donc forcée, car se sentant obliger de soutenir leur ami-e-s. Cela peut être prévisible et a certainement été vécu ce dimanche 24 juin. Ce sont des aspects qu’il ne faut pas écarter dans les conditions d’une action « risquée », aux conséquences pouvant être graves, au niveau de la répression : de nombreuses personnes blessées, arrêtées, car inquiètes, angoissées et ne se sentaient pas de faire face aux forces de l’ordre, du fait de s’être forcées comme décrit plus haut. Il en va de même, pour une vingtaine de personnes de la Medic Team (groupe médical quoi) qui étaient en capacité d’assumer les premiers secours. Étant les seules à être organisées, dans ce but, pour l’action, la responsabilité que cela implique peut inciter à la solidarité forcée. Aussi, si vraiment il venait à manquer quelques un-e-s de la Medic Team, car se refusant à être solidaire d’une action qu’ils-elles ne sentent pas, les conséquences pourraient être encore pires.

Le dernier point que j’aborderai dans cette partie 4 est celui de la « flexibilité ». En d’autres termes, comment arriver à ne pas faire que l’action soit téléphonée ? Comment ne pas agir là même où l’on sera le plus attendu par les forces de répression ?

Aurions-nous été capable d’effectuer l’action le samedi au lieu du dimanche, malgré son annonce pour le dernier jour ? (J’ai conscience de la difficulté que cela implique, ainsi que les possibles infiltrations, écoutes à distances, etc.)

Je n’ai pas de réponse à apporter, c’est à réfléchir, à discuter et peut-être à envisager par la suite, sur d’autres actions de ce genre.

Notons quand même la trentaine de personnes qui ont pu accéder à un pylône dans la nuit de samedi à dimanche, et ont retourné la bagnole d’un vigile (un feu d’artifice a également été lancé ce même soir, je ne sais pas s’il fut lié aux 30). En gros, on a été tellement figé sur notre dimanche que les gardes mobiles n’ont pas pris la peine d’être présents aux pieds de tous les pylônes la veille au soir.

Une dernière remarque. Il peut s’avérer dangereux d’effectuer des actions près d’un camp où il y a des enfants et un espace qui leur est prévu. Pour quelque raison que ce soit, les forces de répression pourraient être amenées à entrer sur le camp et exposer les enfants aux gazes lacrymogènes ou à des scènes violentes [3].

5. La mode de l’activisme

Ainsi, samedi après midi, alors que quelques personnes étaient en « promenade » sur le chemin des Hortensias et dans les champs environnants, plusieurs camionnettes et voitures de la gendarmerie ont déboulées sur un chemin très proche du camp. Les forces de l’ordre étaient-elles là pour essayer d’intercepter les « promeneurs », craignant que ceux-ci n’aillent s’attaquer aux pylônes, allez savoir !?
Toujours est-il que deux personnes, voyant ce spectacle, s’apprêtèrent à tirer des fusées (type feu d’artifice) sur les gardes mobiles, cela, depuis le camp. Les excités – vêtus d’une sorte de burqa-noire-moulante-deux-pièces de l’activiste branché – n’eurent pas le temps de faire quoi que ce soit avant que plusieurs personnes, près d’eux, ne leur disent d’arrêter. Cela aurait certainement légitimé une intrusion de la part de « l’ennemi », avec toutes les conséquences imaginables.
Les deux zouaves n’ont pas insisté (leur seule répartie fut : « on l’fait pas ? ») et sont partis en se décagoulant tranquillement.

Ce genre de réactions, comme quelques autres durant le week-end, ont fait parfois régner une ambiance assez étrange, comme si – à la vu de certaines personnes – il y avait un besoin de prouver une identité, voire une mode de l’activisme. À quand un rayon « activisme », consacré à l’accoutrement et au matériel (des fringues noires de toutes sortes, en passant par la frontale, le sac, les gants, le masque à gaz, etc.) chez Décathlon ou Au Vieux Campeur ?

Je m’égare un peu dans la moquerie, je sais, mais c’est quand même risible parfois ; mais ça peut vite ne plus l’être dans une situation semblable à celle décrite au début de cette partie 5.

6. Répression, échec : nécessité de créer un bouc-émissaire ?

Un autre phénomène est apparu pendant et surtout après le week-end. C’est la création d’une espèce de bouc-émissaire. En effet, c’est l’impression que me donne cet acharnement contre la mouvance dite « appelliste », à qui on reproche le goût des stratégies guerrières et un certain avant-gardisme. Je ne veux pas rentrer dans cet élan plutôt hostile – mêlant des antécédents vécus avec ou proche de cette mouvance, de l’ego, de la jalousie (voire un peu de phobie), et sans doute une part de vérité. Il s’agit en fait de divergences théoriques et pratiques, apparemment difficiles à gérer.

Il se trouve que je n’ai aucun antécédent, ni grief à l’égard de ce courant politique. En outre, ces divergences ne peuvent-elles pas être conciliable, après discussions (sans animosité), pour envisager une réelle organisation commune ? Je ne prétends pas cerner la complexité de cette situation, je fais juste part de mon ressenti m’étant retrouvé plusieurs fois dans une position gênante face à ces reproches.

Ainsi, le fait que l’action du dimanche fut chaotique, qu’il y ait eu une répression violente et impressionnante avec, au final, une vingtaine de blessé-e-s dont trois gravement atteint-e-s, laisse le goût amer de l’échec. S ’ajoutant parfois à cela, un sentiment de culpabilité, un choc psychologique, un vif énervement contre les forces de répression, un mécontentement vis à vis de l’organisation de l’action – cette dernière avait préoccupé, je le répète, beaucoup de gens. Tout ça peut être dur à porter. Pourtant, je trouve qu’il est malavisé, abusé, de développer à l’encontre de la mouvance précitée – ou d’une quelconque autre, évidemment –, un phénomène de bouc-émissaire, ou quelque chose dans ce goût là.

Il me paraît plus juste de considérer cet échec comme étant collectif, et non en se détachant des causes et en les attribuant à d’autres.

7. La suite

Lorsque j’écris ces lignes, l’assemblée du Chefresne se rassemble pour la première fois depuis le week-end de résistance. Je fais partie des personnes ce trouvant dans un des cas décrits partie 3, ce texte compense partiellement mon absence. Je le finirai en pensant que des actions rassemblant un grand nombre de gens ne sont pas toujours compatibles avec la cible choisie. En témoigne la liste d’actions « réussies », recensées par RTE 4 et qui étaient principalement des actions clandestines ou en nombre assez restreint, pour celles qui étaient publiques. Qu’elles continuent alors d’exister !

Rendez-vous donc en septembre, en Saône-et-Loire, pour apprendre à se connaître, discuter et débattre de questions pertinentes. Comme par exemple : qu’elle pourrait-être la prochaine cible faisant l’objet d’une action de perturbation massive contre l’industrie nucléaire et son monde ?

Un individu participant à l’initiative de Montabot.
Le 18 juillet 2012.

[1] http://collectifantinucleaire71.over-blog.com/pages/appel-pour-des-rencontres-atour-de-l-arret-immediat-dunucleaire-les-8-et-9-septembre-2012-a-culles--8086964.html

[2] Le mot « fétichiser » fut employé pour qualifier les assemblées. Il était certes peut-être un peu fort mais relevait, à mon avis, une composante importante de l’échec du dimanche.

[3] D’ailleurs, le groupe 1, dans lequel il y avait des enfants , s’est vu être gazé (sans sommation) par les gardes mobiles, au grand étonnement de certain-e-s. N’oublions pas que le mot « diversions » avait été annoncé. Il était donc très facile d’en imaginer une avec le G.1 partant en manif’ pacifique alors qu’un petit groupe à l’intérieur aurait pu s’être organisé, se tenant près à agir plus radicalement à un moment donné. En tout cas, la passion du gazage plus la pression psychologique et physique du week-end, les gardes mobiles n’ont pas dû réfléchir bien longtemps pour tirer leurs saloperies.

[4] http://antitht.noblogs.org/266


Retour sur le week-end de résistance à la ligne THT, par quelques un-es du groupe « médical »

Du 22 au 24 juin dernier a eu lieu un week-end de résistance à la construction de la ligne THT (Très Haute Tension) Cotentin-Maine. Ce week-end s’inscrit dans la continuité de réflexions, d’informations et d’actions collectives menées depuis plusieurs mois. Les deux premiers jours étaient consacrés à des échanges entre locaux et militants-es antinucléaires venus-es d’un peu partout. Le dimanche étant une journée d’action dont la finalité était double, à savoir rendre visible cette résistance, et saboter l’avancée des travaux sur la ligne THT.

Retournons plus précisément sur cette journée :

Deux cortèges sont partis du camp, l’un marchant vers la mairie du Chefresne, l’autre vers les pylônes. Ces deux cortèges étaient totalement solidaires, en lien permanent, et poursuivant la même volonté politique.

Au sein de ces deux cortèges nous étions une vingtaine de personnes, toutes antinucléaires, à s’être constitué comme un groupe « médical » autogéré en capacité d’assumer les premiers secours. Nous tenons à bien préciser que nous n’étions pas là en tant que prestataires de services, mais bien en tant que personnes participant activement à la construction de la lutte collective contre le nucléaire et son monde.

Au sein même de cette équipe médic, nous nous inscrivons dans une perspective politique d’échanges et de transmissions de savoirs et pratiques, rejetant les notions d’experts et de spécification des tâches.

Nous écrivons ce texte afin de faire un constat précis des événements et de dénoncer les violences « policières » assumées et préméditées par la préfecture de la Manche qui ont eu lieu ce dimanche 24 juin. Parce que cette journée n’est ni à oublier ni à banaliser, et qu’elle marque une nouvelle fois l’impunité et la monstruosité militaire, il nous semble important que ces constats et ces dénonciations soient diffusés largement aussi bien au cercle antinucléaire, aux professionnels en contact avec les victimes, qu’à n’importe qui ayant à faire aux forces de l’ordre. Cela, à la fois en solidarité avec nos amis-es et à visée d’auto-médiation.

Les moyens utilisés par la gendarmerie, outre les effectifs évidemment conséquents, étaient tous employés en vue de nuire et de blesser avec une détermination forte, pensée et assumée.
Pour le cortège se dirigeant vers les pylônes THT était déployé un arsenal comprenant des grenades explosives dites assourdissantes ou de désencerclement, des grenades lacrymogènes et des matraques. Les tirs, au lance grenades ou à la main, étaient sciemment dirigés vers les personnes, arrivant au niveau du visage le plus souvent. Rappelons que les grenades sont mortelles lorsqu’elles sont lancées à tir tendu (pratique interdite par la loi), ce qui était le cas et qui devient une norme.
L’attaque a débuté de façon immédiatement brutale (à environ 200m du camp) avec des blessés-es graves dès la première charge, et n’a pas diminué d’intensité même lors de notre repli vers le camp. Et même lorsque des cordons de sécurité étaient constitués par nous-même autour de nos blessés-es et qu’ils signalaient verbalement aux bleus la situation, les charges et les tirs ont continué exactement avec la même violence.
L’autre cortège a essuyé des tirs de grenades lacrymogènes, sans sommation, au bout d’à peine quelques centaines de mètres de marche, ce qui a entraîné son repli immédiat.

En ce qui concerne les blessés-es :
- une personne a été blessée à l’œil de manière très grave, elle a été transférée d’un hôpital périphérique au CHU de Caen le jour même, sa vision est largement amputée par une hémorragie du vitré et le pronostic est réservé quant à la récupération de son acuité visuelle.
- une personne a subi un traumatisme crânien grave avec atteinte de l’œil suite à un tir tendu de grenade, il a été opéré le soir même. Il souffre d’une triple fracture du massif facial et la rétine de son œil a été touchée par la violence du choc. Sa vision est également extrêmement altérée de manière irréversible à 1/20ème.

Ces deux personnes ont nécessité une évacuation en urgence. Or la préfecture a volontairement saboté l’arrivée des véhicules médicalisés sur le camp. Les consignes étaient données de bloquer le premier véhicule médicalisé à quelques dizaines de mètres du camp. Une journaliste présente sur les lieux a constaté ce blocage par un cordon de gendarmes, ce qui a certainement permis son lever. Le deuxième a carrément été détourné par la gendarmerie, soit disant pour un de leur blessé.
Ces deux victimes ont donc attendu plus d’une heure trente. Peut-on parler d’autre chose que de cynisme et de sadisme ?

- une autre personne a eu une plaie importante au niveau du front (coup de matraque), ayant nécessité des points de suture.

Les blessés-es restant (environ 20) sont consécutifs aux multiples explosions de grenades assourdissantes et de désencerclement. En explosant des impacts métalliques se logent dans les chairs en profondeur, jusqu’à plusieurs centimètres sous la peau, sectionnant potentiellement nerfs et artères.
Ainsi, 15 éclats ont été constatés (jambe os, genou, vagin, sein, bras) chez une blessée. L’un de ses éclats a carrément sectionné un nerf de l’avant bras. Elle a été transférée vers un autre hôpital et a ensuite dû être opérée de son avant-bras (ce qui signifie qu’on ne lui a pas retiré tous les éclats de son corps). Elle garde des séquelles motrices et sensitives des doigts.
Les autres gardent leurs éclats dans leur corps, ce qui n’est pas sans poser problème, à court comme à long terme.

A noter, le médecin régulateur du SAMU, avec qui nous étions en lien, était harcelé par le chef de cabinet de la préfecture afin de fournir les identités des blessés-es et leur hôpital de destination. Si lui et d’autres soignants-es s’en sont tenu au secret médical, des employés-es de la polyclinique d’Avranches ont sciemment communiqué avec la gendarmerie préférant être indic plutôt que soignant... Chapeau les collabos !

Des policiers étaient également en faction devant certains hôpitaux du coin. Il a aussi été signalé de véritables barrages policiers (en ligne sur la route avec tenue de combat) arrêtant tous les véhicules et contrôlant les identités. Et ils ont même été jusqu’à surveiller l’entrée du CHU de Caen où deux fourgonnettes et « une ligne » de gardes mobiles attendaient sur la voie d’accès. La répression prime clairement sur l’assistance.

Enfin, malgré la solidarité entre nous tous, le sentiment d’effroi laisse, pour certains-es d’entre nous, des marques dans nos psychés qui mettront du temps à cicatriser... Marques façonnant, mais n’effaçant rien de notre désir de révolte.
Notre propos n’est pas « de pleurer sur notre sort » car nous savions dans quoi nous nous impliquions. Nous ne sommes pas dupes, la France est un État policier qui montre son vrai visage quand on s’attaque à ses piliers fondateurs, notamment l’industrie nucléaire. Certes cela n’est pas nouveau, mais mérite d’être rappelé sans cesse. L’état ne supporte pas sa contestation, et avoir du sang sur les mains ne lui fait pas peur.
Et ce texte a pour but d’informer, encore et toujours, que la violence étatique n’est pas que symbolique, mais s’incarne aussi dans le corps de nos compagnes et compagnons touchées-s.

Quelques un-e-s du groupe « médical »
(mediccaen arobase riseup point net)


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