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L’avenir, c’est la forêt

mardi 8 novembre 2011, par Puissance Plume

Dans un débat récent sur le réchauffement climatique, une femme disait que le sol forestier dégageait du CH4. Une telle erreur dénote à la fois du mensonge institutionalisé dans lequel vit la population française, et aussi du négationisme qui sévit envers la science appelée écologie. Dans cet article, après avoir donné quelques éléments d’écologie, ma conclusion est sans appel : je déclare que l’avenir c’est la forêt.

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Platane vu d’en bas ; elle serait bien pour une nouvelle "Marianne" cette fille non ?

L’histoire du sol, c’est l’histoire de la forêt

Le sol, c’est une bande d’environ un mètre de moyenne, posée sur la roche-mère à la surface du globe. La roche-mère s’est formée il y a 4 milliards d’années. Le sol lui, s’est constitué au fur et à mesure que la vie progressait sur la planète.

Le sol c’est la forêt qui l’a fait. Dans un gramme de sol forestier, il y a entre 100 millions et 1 milliard d’êtres vivants : des champignons, des petits insectes et des bactéries. Ce sont eux qui décomposent toute matière organique qui tombe par terre et qui la transforment en un ensemble diversifié de substances organiques et minérales. Les plantes et les animaux vont piocher ce qu’il leur faut dans le sol grâce aux interactions complexes avec les êtres vivants du sol.

Dans les périodes de glaciation venant du nord en Europe, la forêt à reculé, reculé et certaines espèces d’arbres sont "tombées dans la Mer Méditerrannée" pour ainsi dire. Beaucoup d’arbres européens du tertiaire ont disparu lors des énormes glaciations du quaternaire. C’est le cas du pin Douglas : il se vit acculé aux contreforts des Pyrénées. En Amérique du Nord par contre, les arbres ont pu opérer une retraite élastique vers les régions plus chaudes plus proches de l’équateur [1]. C’est ainsi que le pseudotsuga Menziesii, ayant survécu en Amérique, a été ré-introduit dans nos régions en 1827 par un dénommé Douglas.

Durant la glaciation, la forêt disparaît. Mais pas la terre. Quand la glace repart au pôle, la forêt revient d’autant plus facilement qu’il y a de la terre, refabrique de la terre qui s’ajoute à la précédente. C’est ainsi qu’au fil des millénaires. La forêt a fabriqué le sol sur la roche mère. Miracle : quand on met une graine dans le sol, elle germe.

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Platane vu d’en bas

Sociétés humaines et désertification

L’histoire des hommes a environ trois millions d’années mais on s’intéresse ici aux sociétés qui ont laissé des traces visibles encore aujourd’hui : les constructions millénaires et les déserts. Si les pyramides d’Egypte recèlent toujours des mystères quant à leur fabrication, il ne fait aucun doute que seule une société pyramidale hiérarchique à base d’esclavagisme a pu réaliser de telles oeuvres de pierre.

Murray Bookchin a fait le rapprochement entre la société pyramidale hiérarchique et les destructions sur l’environnement. En même temps que des castes "supérieures" dominaient et exploitaient des castes "inférieures", leur rapport à la nature ne pouvait être différent : les castes dominaient et exploitaient la nature.


Ce n’est pas seulement dans la nature que l’Homme a créé des déséquilibres, c’est aussi, et plus fondamentalement dans sa relation avec son prochain et dans la structure même de la société. Et les déséquilibres qu’il a provoqués dans le monde naturel résultent de ceux qu’il a provoqués dans la société. [2]

Bon nombre de sociétés hiérarchiques pyramidales ont ainsi détruit leur environnement et se sont évanouies :
- les Mayas ont coupé tous les arbres autour de leurs cités puis plus rien n’a poussé,
- les Egyptiens ont fait de même, ont eu la chance que les crues du Nil refertilisaient les terres ce qui a repoussé le moment de leur perte,
- les Mésopotamiens ont désertifié la région appelée "le croissant fertile",
- les romains se sont empoisonnés au plomb, qui composait toutes les poteries qu’ils fabriquaient,
- on suppose que sur l’Ile de Pâques aux grandioses statues il y eu une société humaine ayant créé des déséquilibres sociaux et environnementaux qui l’ont fait disparaître.

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Platane vu d’en bas

A l’ombre d’un chêne

Je soumets au lecteur le problème de trouver de la fraîcheur par une chaude journée d’été et propose deux solutions disctinctes : soit tendre une toile au dessus de sa tête, ou bien aller sous un chêne bicentenaire. Votre choix est fait ? La plupart des lecteurs choisiront l’arbre, excepté une frange malheureusement de plus en plus grande qui ira chercher la solution sur facebook ou wikipedia.

Pourquoi le chêne procure-t-il plus de fraîcheur que la toile ? Pour tenter de le savoir, examinons les deux situations en fonction de quoi dépend la sensation de chaleur sur la peau. Elle dépend de 4 paramètres :
- la température de l’air,
- la température des parois environnantes [3],
- la vitesse du fluide qui nous entoure [4], et
- le degré d’humidité du fluide qui nous entoure [5].

Donc, nous sommes à l’extérieur, l’air est identique sous la toile et sous le chêne : le premier facteur ne joue pas. De même, la température des parois n’est pas franchement modifiée si même l’arbre est imposant : imaginons de toutes façons qu’il soit possible que la toile ait la même surface et la même température de surface que l’arbre. Quand à la vitesse du fluide qui nous entoure, c’est évidemment le même air, on l’a déjà dit. Reste le degré d’humidité.

Voilà des chiffres que les écologistes passent leur temps à aller chercher :


- A la belle saison, les 70 000 feuilles d’un chêne évaporent 100 000 litres d’eau.
- En une année, le même chêne vaporise 230 fois son poids d’eau tandis qu’un mammifère durant l’an évacuera seulement 10 fois son poids en eau par transpiration.
- En un jour d’été, un grand hêtre évapore 500 litres d’eau.
- un hectare de forêt dégage 30 000 tonnes d’eau par an [6].

La fraîcheur, elle vient de là, de ce quatrième facteur.

On conviendra aisément que lorsque les Mésopotamiens ont abattus les arbres pour faire ce que l’on appelle de "l’agriculture", pour construire des habitations gigantesques à la gloire des seigneurs, fabriquer des catapultes, des navires marchands et des navires de guerre, le climat autour des fleuves a quelque peu changé. Quand on coupe un arbre centenaire, il faut s’attendre à ce que le climat change, et tout de suite.

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Platane vu d’en bas

Comment je décris l’agriculture intensive aujourd’hui

Le sol est donc vivant [7] : des milliards d’êtres vivants y fourmillent. L’agriculture intensive commence par tous les tuer. Pas intentionnellement bien sûr, parce qu’elle est gentille : elle veut "nourrir la planète" comme ils disent. Elle tue les organismes dans le sol comme on tue la ruche et l’ours parce qu’on veut du miel, comme quand on veut une femme, on peut aussi la violer : c’est une forme de domination qui a toujours lieu malheureusement.

L’agriculture intensive achète donc aux grandes compagnies exploitant les brevets sur les gaz de combat 14-18 les produits pour tuer les êtres vivants : fongicides, herbicides, insecticides, réunis dans le terme pesticides, que le lobby appelle maintenant "les produits phytosanitaires" [8].

Comme tout est mort dans le sol, la plante ne dispose plus de toute cette variété de substances dans laquelle elle puisait pour ses différents besoins de vie, des besoins qui ne se résument pas qu’à la croissance en terme de poids. Les organismes vivant créaient un gigantesque supermarché dans lequel on trouvait de tout, sur place. C’est fini.

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Heureux événement en bord de route

Exemple typique : l’azote. Dans un sol vivant, les actions mécaniques des milliards de petits insectes, champignons et bactéries créent de nombreuses cavités d’air. D’ailleurs quand on marche sur un sol forestier, on s’enfonce un peu, c’est mou comme un coussin d’air. Or, l’air contient à 78% du diazote N2 lequel peut être assimilé par les plantes via des mécanismes de transferts complexes avec les différents êtres vivants, notamment les champignons avec qui il est possible de faire "donnant-donnant" ou "win-win".

En agriculture intensive, l’absence de micro-aération du sol est accentuée par l’action mécanique des labours qui retournent la terre et la tasse. Mais le facteur essentiel d’absence d’azote reste quand même l’absence des milliards d’organismes microscopiques. Alors l’agriculture intensive achète des engrais azotés aux mêmes compagnies qui ont vendu les pesticides.

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Terre morte suite aux labours. Lauragais 2010

Quand la plante est malade, elle ne peut pas obtenir dans le sol les remèdes qu’elle pourrait trouver dans un sol contenant des miliards d’organismes. Alors l’agriculture intensive achète des produits antibiotiques et autres vedettes de laboratoires aux mêmes compagnies qui ont vendu les pesticides et les engrais.

Enfin, l’absence du supermarché en bas de chez de la plante implique également que cette dernière est moins nutritive : il y a moins de tout.

Prenez une orange : celle des années 2000 aura sans doute meilleure mine que les oranges des années 50. Et pourtant… L’orange moderne contient cinq fois moins de fer. Idem pour les pêches.

[...] Dans les années 1950, manger une banane, une orange et une pêche, suffisait à pourvoir les « apports journaliers recommandés » (AJR) d’une personne en vitamine A. Aujourd’hui, vu les teneurs en nutriment, il faudrait 5 bananes, 10 oranges, et 26 pêches pour avoir sa dose de vitamine A ! [9]

Pour terminer cette description, j’évoquerai un témoignage qui m’a été donné par quelqu’un à qui le héros de l’histoire l’a racontée. Ce héros est un agriculteur "conventionnel" qui s’est retrouvé un jour malade, atteint des pathologies spécifiques à ceux qui manipulent des pesticides. Sur son lit d’hôpital, malade, un jour, il posa machinalement son regard sur les médicaments qu’on lui donnait pour se remettre. Le fabricant du médicament était la compagnie à qui il avait acheté ses pesticides.

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Platane vu d’en bas

Le mensonge et l’organisation du mensonge

Tout ceci me conduit à décrire la situation dans laquelle nous nous trouvons par un mot précis : le mensonge. La société vit dans le mensonge. Encore une fois, l’histoire des autres peut aider à nous comprendre :

Aujourd’hui, le Reich garde toujours son mystère ; sorti de l’Histoire, il fascine, attire comme un mirage, comme le regard du basilic. A l’époque, il apparaissait comme une mystification grandiose. Ses citoyens, du plus privilégié au plus démuni, des hauts fonctionnaires du parti aux moindres cireurs de bottes, semblaient participer à une conspiration universelle visant ce qu’il fallait dire ou ne pas dire ; tous donnaient l’impression d’être d’accord pour n’énoncer jamais le mensonge, le Mensonge, le MENSONGE. Persuadés qu’ils étaient de la nécessité de cacher la vérité, convaincus qu’il ne fallait même pas tenter de la saisir, comme il faut éviter d’ouvrir le boîtier d’une montre pour découvrir son mécanisme, ils finirent par ignorer tout de cette vérité.

Le secret faisait partie de l’ordre. A l’instar de ceux qui n’ont qu’une notion extrêmement vague du fonctionnement d’un appareil téléphonique ou d’un fer à repasser, pour qui le fonctionnement de leur propre corps demeure à jamais un mystère, la majorité de la population du Reich n’avait pas la moindre idée de ce qui se passait dans le pays. Tout y était considéré comme secret d’Etat, enveloppé d’un mystère jalousement préservé, de la politique étrangère aux catastrophes naturelles en passant par le taux des divorces. Personne ne savait rien, personne n’avait le droit de savoir ; il convenait de se méfier de chacun, car nul n’échappait à la suspicion - et la population vivait dans la certitude d’etre entourée d’une foule d’ennemis, extérieurs et intérieurs. L’ennemi, pensait-on, s’empare de la moindre parole imprudente pour la retourner contre le pays. Malgré les exterminations, le nombre des adversaires diminuait peu ; ils constituaient l’objet principal des préoccupations des instances du parti et de l’Etat ; il existait un véritable culte de l’ennemi. Pour démanteler les réseaux subversifs, une seule police secrète ne suffisait pas : cinq polices indépendantes et autant de services de contre-espionnage oeuvraient sur le vaste territoire du Reich, chantiers prolifiques d’une industrie prometteuse. Les ennemis et les éléments hostiles composait la véritable raison d’être d’une foule d’administrations, en sorte que, réelle ou imaginaire, l’opposition au régime devenait la condition de son existence [10].

Lorsque les agriculteurs conventionnels évoquent naïvement "il faut nourrir la planète" pour justifier la poursuite de leurs pratiques destructrices, ils se mentent à eux-même. Lorsque les gens répètent "on trouvera bien une solution un jour aux déchets nucléaires", il se mentent à eux-même. Lorsqu’on fait peser tous nos problèmes sur les étrangers en situation irrégulière, on se ment à soi-même. Lorsqu’on continue de répéter aux enfants que nos institutions "démocratiques" sont bonnes, on se ment à soi-même.

Ce mensonge est aussi organisé. Il ne sort pas du chapeau. La propagande "pour nourrir la planète", "pour amener l’électricité aux pauvres" ne surgit pas du néant. Elle est préparée, elle est conçue. Il nous faut comprendre les mécanismes de cette propagande pour la renverser.

Car il faut renverser la société du mensonge. Le Reich n’a pas eu le temps de s’effondrer de l’intérieur. Nous, nous devons faire effondrer le système mais surtout éviter qu’un nouveau système identique se mette en place avec seulement des gens nouveaux.

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Platane vu d’en bas

L’avenir, c’est la forêt

L’écologie est une science, c’est la science qui étudie les inter-dépendances entre les êtres vivants. Il n’existe peut-être pas de science ayant autant de négateurs que l’écologie. L’intuition de Murray Bookchin pourrait être vraie : cette science est l’exact opposé du capitalisme. Il y a dans cette science suffisamment de concepts forts pour détrôner le capitalisme de son emprise sur la société, notamment la diversité.

La diversité, c’est ce qui assure aux espèces la sécurité. Plus il y a de diversité, moins le phénomène de parasitage d’une espèce sur les autres a de chances d’arriver. Les lions sont les prédateurs des antilopes. Plus il y a d’espèces différentes d’antilopes, ayant des moeurs, des comportements et des courses différentes, plus chaque espèce d’antilope est assurée qu’elle ne sera pas exterminée par les lions. Par aailleurs, on dit que le lion est l’animal le plus fort, mais en aucun cas, il ne domine complètement toutes les autres espèces dans la nature.

De manière analogue, dans une structure politique, la diversité pourrait permettre d’éviter le parasitage par des extrêmistes. Plus nombreux sont les gens à donner leur avis et à voter, moins un groupuscule donné, désirant le pouvoir absolu, n’a de chance de l’obtenir. La diversité pourrait alors être la composante fondamentale garante des droits de l’homme.

Nos institutions d’aujourd’hui sont au contraire très fragiles. Un "représentant" n’aura jamais la force de dizaines de milliers de voix et d’opinions diverses. La "démocratie représentative" est très fragile et sujette à l’extrêmisme. Il est totalement absurde de revendiquer de pouvoir représenter 30 000 personnes parce qu’elles ont voté pour vous. La force et la spontanéité d’une assemblée générale vivant le tumulte de la diversité ne pourront jamais se transmettre à un représentant oeuvrant dans une institution. Et pourtant, l’institution répète à nos enfants que nous sommes dans un modèle politique idéal, que nous avons obtenu "la démocratie". C’est un mensonge.

C’est pour cela que je dis clairement : l’avenir, c’est la forêt. Parce que d’une part, la forêt est la garante de la vie, et d’autre part parce que si la forêt symbolise la diversité, cette dernière devrait devenir le socle sur lequel devrait s’appuyer nos institutions.

C’est l’appel de la forêt en quelque sorte.


12 août 2012 : L’homme qui plantait des arbres

C’est un conte de Jean Giono dit par Philippe Noiret. Il dure une demi-heure. C’est un pur bonheur que de prendre le temps d’écouter ce conte, et de le raconter ensuite.

Notes

[1A. Quartier et P. Bauer-Bovet : "Guide des arbres et arbustes d’Europe" Editions Delachaux et Niestlé 1982

[2Murray Bookchin : Ecologie et pensée révolutionnaire.

[3placez-vous dans une pièce à 19°C et devant une fenêtre à 10°C, le corps fait la moyenne à 14,5°C et l’on ressent une sensation de froid venant de la vitre.

[4plus le vent souffle, plus il fait froid.

[5on peut tenir plusieurs jours dans un air à 6°C tandis qu’on meurt au bout de 10 minutes dans une eau à 6°C : le liquide multiplie les échanges de chaleur avec le corps.

[6Livre de A. Quartier déjà cité

[8Maire-Monique Robin Notre poison quotidien.

[10Boris Khazanov : "L’heure du roi", Editions Vivane Hamy ; première publication 1977.

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