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Utilisation politique de la controverse sur le climat

samedi 14 août 2010, par Puissance Plume

Cet article a été publié le 22 mai 2010 sur SANU [1]

Le 21 mai 2010, Greenpeace a publié un questionnaire pour savoir si l’on est atteint de la maladie climatosceptite, un peu comme la grippe aviaire. Ce questionnaire est une pépite démagogique populiste, enfantilisante et anti-scientifique. Je re-publie ici mon analyse du sujet du climat et du nucléaire, qui se résume en une phrase : laissons la controverse là où elle devrait être, c’est-à-dire dans les laboratoires scientifiques.

Sommaire


Rappel culturel : qu’est-ce qu’une controverse scientifique ?

La naissance de l’univers est une controverse scientifique, qui oppose plusieurs théories. La théorie du Big Bang est l’une d’elles, un ensemble cohérent de considérations physiques, mathématiques, d’observations et d’hypothèses visant à expliquer la naissance de l’univers. Cette théorie repose sur des hypothèses comme celle de l’existence de la matière noire : une matière que nous ne serions pas capables de caractériser, voir ni quantifier aujourd’hui. Une majorité de physiciens en 2010 pensent que cette théorie est la plus plausible. Cependant, d’autres théories ont été élaborées et un bon tiers des physiciens de la communauté scientifique pense que la théorie du Big Bang n’est pas la plus séduisante. Il n’y a pas d’inquisition : dans une controverse scientifique, chacun défend ses points de vue, ses préférences sur les hypothèses, sans se faire ostraciser par les autres.

Le réchauffement climatique et le caractère anthropique de ce réchauffement sont deux théories dans la controverse scientifique du climat passé et avenir de la planète. Le GIEC est un regroupement de scientifiques qui, majoritairement, défend la thèse selon laquelle l’homme a une influence prépondérante sur le climat passé et peut donc maîtriser le climat avenir. Mais d’autres scientifiques dans différents laboratoires dans le monde pensent autrement : la thèse du réchauffement et celle de son caractère anthropique se basent sur des hypothèses non vérifiées ni décidables à l’heure actuelle des connaissances. Le principe de la théorie du caractère anthropique du réchauffement repose sur des modèles algorithmiques du climat mondial, à partir de conditions initiales données. Cette théorie vise à prédire le climat mondial dans cinquante, cent ans. D’autres théories sont élaborées, elles aussi sont critiquées pour leurs hypothèses et la controverse scientifique a lieu, comme celle qui a lieu sur la naissance de l’univers.


Utilisation politique de la théorie du réchauffement par la technostructure

La technostructure est l’ensemble des lobbies capitalistes ayant sous contrôle les grandes industries mondiales qui exploitent les ressources minières de la planète. Avec l’aide des états coloniaux, qui utilisent leurs moyens militaires et para-militaires, la technostructure fait des affaires partout dans le monde. Pour cela, elle aide les états à construire des discours politiques cohérents, basés sur des explications « scientifiques », sachant à l’avance que si des problèmes sont pointés par les politiques, la technostructure possède déjà la solution technique et n’attend plus que des autorisations et des subventions pour démarrer la production de ces solutions. Cela s’applique aux énergies renouvelables également.

La technostructure utilise la théorie du réchauffement pour obtenir des subventions pour les pôles industriels énergétiques dominants : l’extraction des combustibles fossiles et fissiles. D’une part, le captage de CO2 et son emprisonnement dans des anciens gisements pétrolifères est un prétexte à faire financer de coûteux investissements d’injection de gaz dans les gisements en fin d’exploitation. Car injecter du gaz sous pression en dessous des dernières poches pétrolifères permet de récupérer plus facilement les dernières gouttes d’or noir (Illustration 1).

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Doc BRGM 2010 ; Extraction de pétrole à l’aide d’injection de CO2

Par ailleurs, les subventions pour l’injection de CO2 à proximité de gisement de charbon jusque là inaccessibles permet de mettre en place de nouvelles capacités d’extraction de gaz naturel (Illustration 2).

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Doc BRGM 2010 ; Extraction de gaz à l’aide d’injection de CO2

L’AIE est le fer de lance de la promotion du captage de CO2 auprès des instances décisionnaires mondiales.

D’autre part, en remplaçant sur le papier les centrales nucléaires par des centrales thermiques au charbon, on conclut facilement que le nucléaire émet peu de CO2. Il suffit alors à la technostructure de continuer de faire croire qu’il n’est pas possible de réduire drastiquement la consommation, c’est-à-dire de discréditer les véritables scénarii alternatifs pour imposer l’idée que le nucléaire fission est une technologie utile pour la lutte contre le réchauffement climatique. L’AIE est encore le fer de lance de la promotion de la technologie nucléaire pour la lutte contre le réchauffement climatique puisque c’est cette agence qui a proposé le nucléaire comme mécanisme de développement propre pour le sommet de Copenhague de décembre 2009. Mais aussi, le GIEC lui-même a été clairement montré comme pro-nucléaire (c.f. Article du « Courrier » du 26 juin 2007 en annexe).


L’imposture des écologistes pro-nucléaires

En 2003, Jean-Marc Jancovici est nommé président d’un débat à l’Assemblée Nationale pour discuter de l’avenir énergétique de la France. Peu importe ses motivations profondes, toute l’action de ce polytechnicien a favorisé la décision de la construction de l’EPR à Flamanville, via l’importance donnée à la théorie du réchauffement climatique et les soit-disant bénéfices du parc nucléaire français. En 2004, la loi d’orientation sur l’énergie conduira les députés à entériner l’utilité de la construction du réacteur Flamanville 3 dans la lutte contre le réchauffement climatique. Jean-Marc Jancovici sera à l’origine des premiers calculs de « bilan carbone » des Institutions de la République, la DGEMP par exemple, un préalable à l’introduction de l’unité carbone dans toute la chaîne des décisions publiques jusqu’aux collectivités locales.

L’attitude de Jean-Marc Jancovici, se déclarant défenseur de la planète et grand amateur d’économies d’énergies sur papier, est une imposture de la pensée écologique et de l’esprit politique d’inspiration environnementale. Le nucléaire étant le symbole le plus puissant de la société de consommation de masse organisée, du gaspillage institutionnalisé par la dictature de la rentabilité : « de toute façon, cette électricité, elle est produite ; alors il faut bien la consommer ! », l’action de Jean-Marc Jancovici, qui souhaite à la fois réduire l’empreinte carbone et développer le nucléaire est incohérente. C’est une imposture dans le sens où le personnage ne peut pas ignorer que son attitude a des conséquences de favorisation de l’industrie nucléaire, il ne peut pas ignorer le caractère antagonique de ses deux actions.

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Le nucléaire menacé par le changement climatique

On retrouve ici l’attitude de certains généraux français dans les années 1930 qui ont soutenu le développement de la ligne Maginot face à la menace d’invasion allemande. La menace climatique étant par nature incertaine, les technocrates français ont tendance à imaginer une œuvre nationale unique, lourde, chère et immobile - le nucléaire -, qui ne sera à l’évidence même d’aucun secours face à la menace, et même au contraire d’en être un facteur aggravant de la situation.

Dans le sillage de Jancovici, viendront des ovnis politiques comme Nicolas Hulot, qui dénonce du bout des lèvres l’image propre du nucléaire mais surtout, même si des contacts sont noués avec Philippe brousse, ne se mélangera jamais aux anti-nucléaires. Puis viendra l’imposteur Yann-Arthus Bertrand pour quoi le nucléaire n’est tout simplement pas un sujet d’actualité dans son film « Home ».


L’attitude ambigüe des écologistes antinucléaires - l’inquisition antiscientifique

Globalement, les écologistes cohérents, qui ne se laissent pas berner par les articles en solde sans CO2, voient quand même d’un bon œil l’arrivée d’une théorie scientifique validant de manière presque mathématique leur combat de toujours contre les méfaits de l’empreinte écologique occidentale. Face au doute sur les hypothèses faites dans la théorie du réchauffement, les écologistes se satisfont d’un raisonnement par défaut : « cela va dans le bon sens », donc « agissons dans ce sens ».

Mais sous la pression d’un scientisme de masse mis en œuvre par la prose pléthorique de Jean-Marc Jancovici – entre autres -, les écologistes vont virer inquisisionistes. Toute remise en cause de la théorie du réchauffement sera taxée de négationnisme, la vindicte populaire s’abattant sur le moindre vermisseau isolé osant mettre un doute sur le tout puissant GIEC, médaillé académique. L’idée même de controverse scientifique sera bafouée. Les medias se feront l’écho de cette chasse aux sorcières et y participeront. Aujourd’hui encore, participer à un meeting politique d’Europe Ecologie en posant simplement le cadre de respect mutuel qu’il devrait y avoir entre les scientifiques travaillant sur une controverse, provoque une tension palpable : c’est le fond de commerce, le tiroir caisse à électeur auquel on touche et tant pis pour la transmission de la culture scientifique exemplaire aux masses ignares.

21 mars 2010 : l’inquisition est pratiquée par Greenpeace : leur questionnaire pour savoir si l’on est climatosceptique est une pépite démagogique populiste et enfantilisante.

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Campagne populiste de Greenpeace

Le gramme équivalent carbone, nouvelle monnaie

Le suivisme des écologistes face aux propositions polytechniciennes de Jean-Marc Jancovici de construire les politiques publiques à partir des bilans carbone participe amplement à la définition d’une sorte de nouvelle monnaie : le « gramme équivalent carbone ». Désormais, à toute revendication écologique auprès des élus et de l’administration, il y a une réponse toute faite, englobante, plus pressante que toute autre : la quantification en gramme équivalent carbone.

C’est de l’association Attac que vient un sursaut inespéré : cette organisation ayant résisté – non sans mal - à une tentative de torpillage de l’intérieur, a passé un cap en 2009. Elle se positionne désormais « pour une sortie progressive du nucléaire » mais surtout, elle apporte contradiction à l’incompétence des écologistes la nécessité d’une monnaie gramme équivalent carbone. Attac sait parfaitement que les mécanismes financiers qui se mettent en place avec cette monnaie sont les mêmes que ceux avec les euros et ne participent en rien à remettre en cause le système en profondeur : la spéculation financière se moque de l’intitulé de la monnaie, l’euro ou le gramme équivalent carbone.


La disparition de l’humanisme

Conséquence directe du sommet de Copenhague, l’écologie abandonne complètement la valeur « humaniste ». Pour venir en aide aux populations des îles qui se retrouveront peut-être bientôt sous l’eau, il n’y a normalement nul besoin d’experts climatiques : l’empathie et la solidarité suffisent.

Pour prélever des euros des dollars ou des yens là où il y en a beaucoup, afin de les redistribuer à ceux qui en ont moins et qui vivent des catastrophes environnementales, il n’y a normalement pas besoin de transformer le sentiment de solidarité en l’exécution d’un logiciel de simulation du climat, lequel donnera un prix à payer en gramme équivalent carbone.

Pour constater que la France couvre des assassinats dans ses anciennes colonies afin de mettre au pouvoir des personnages non hostiles à la continuation de l’exploitation des sols miniers par des groupes français, il n’y a nul besoin d’experts climatiques. L’association Survie par exemple fait déjà cela.

A Copenhague, les pays occidentaux ont tenté de revenir sur les déclarations qui les unissaient à Kyoto sur leur responsabilité dans la situation climatique. Les pays du Sud ont dit « merde » car il ne sert à rien d’obtenir un accord sans reconnaître cette responsabilité, et la Chine qui ne voulait pas non plus passer pour celle qui avait fait capoté toute négociation, a joué double jeu, tantôt assumant sa responsabilité, tantôt se rangeant du côté des pollueurs ne voulant pas payer.

Pris à leurs propres pièges, les pays de la technostructure se sont retrouvés coincés parce qu’ils ont proposé au monde l’explication du réchauffement anthropique à la crise écologique avec comme solutions le captage de CO2 et le nucléaire. Sauf que pour cela fonctionne réellement, il aurait fallu qu’ils puissent se dégager de leur responsabilité dans cette théorie, faute de quoi tous les euros qu’ils pourraient gagner avec leur technoscience auraient été perdus dans le reversement de la dette climatique.

Copenhague n’a pas été le sommet de l’empreinte écologique
Si Copenhague avait été un sommet portant sur l’empreinte écologique, tout le monde aurait été extrêmement surpris de voir des pays occidentaux s’attaquer à des vraies causes de manière équitable. Car l’empreinte écologique est une notion qui peut traduire globalement de façon cohérente l’impasse et le mur au bout dans lequel le monde occidental se dirige à grand pas.

La technostructure n’a aucun intérêt d’un sommet mondial sur l’empreinte écologique : ni captage de CO2 pour extraire les dernières gouttes de pétrole, ni nucléaire. Aussi, il n’y a aucune théorie scientifique qui émerge des laboratoires portant l’idée de responsabilité humaine dans la catastrophe écologique mondiale, notamment dans la perte de biodiversité.

D’un coté pour les vrais écologistes, Copenhague est un succès pour les raisons suivantes :

  • le nucléaire n’a pas réussi à s’imposer : ils ont perdu du temps,
  • les pays d’Amérique du Sud ont dit « merde »,
  • Justice Sociale et écologistes se sont rencontrés.

Cependant, c’est aussi un échec du fait qu’il n’y a toujours pas de remise en cause stratégique de la méthode de lutte de la pensée d’inspiration environnementale.


L’association "Sortir du Nucléaire" à Copenhague : du suivisme

Tant que le monde écologique associatif et politique ne se rendra pas compte que c’est la technostructure capitaliste mondiale qui mène le bal du réchauffement climatique, en est le chef d’orchestre, tant qu’il ne se rendra pas compte qu’il n’est encore et toujours qu’un poisson suivant son requin pour se nourrir des restes, nous n’aurons aucune chance de victoire globale, de monde meilleur, de sauvegarde du monde environnant, humain – le social - et naturel.

Pour montrer ce suivisme, il faut remarquer par exemple que certains salariés du réseau « Sortir du Nucléaire », ont conservé en signature de mail la phrase suivante :
« Selon l’Agence Internationale de l’Energie, le nucléaire ne peut réduire les émissions mondiales de CO2 que de 6 % d’ici 2050... contre 54 % et 21 % respectivement pour les économies d’énergie et les énergies renouvelables. Il est urgent de le dire : nous ne voulons ni nucléaire, ni effet de serre ! ».

L’utilisation d’un chiffre de l’AIE est significative de deux points essentiels :

  • le monde associatif antinucléaire reconnaît l’AIE comme une référence, il ne manque plus qu’un lien vers leur site web pour inviter le lecteur à aller lire leur propagande,
  • le monde associatif antinucléaire n’aurait donc rien à proposer comme référence face aux mensonge selon lequel le nucléaire est un outil utile contre le réchauffement climatique.

Or, c’est l’AIE qui a proposé que le captage de CO2 et le nucléaire soient considérés comme des mécanismes de développement propre. Nous donnons donc caution à l’AIE comme référence de notre lutte.


La signature de l’Ultimatum Climatique : toujours du suivisme

En poussant le Conseil d’Administration à voter ce texte le 16 septembre 2009, alors qu’un premier vote du CA en mai 2009 avait qualifié ce texte de pro-nucléaire sans communiqué de presse, les salariés Philippe Brousse, Xavier Rabilloud et Charlotte Mijéon ont proposé une lecture opposée à cette de l’autre salarié politique Stéphane Lhomme.

La vision de ces salariés, soutenus par des administrateurs comme Daniel Roussée ou d’anciens administrateurs comme Jean-Yvon Landrac, est que la signature de cet appel n’avait que peu d’importance, comparé au fait de se rassembler avec les autres ONG autour des valeurs communes véhiculées par la lutte contre le réchauffement climatique.

Philippe Brousse a qualifié Stéphane Lhomme de « négationniste climatique », terme normalement réservé à ceux qui contestent des faits historiques indubitablement établis comme la Shoah. Le moins que l’on puisse dire est que le sujet déchaîne les passions et fait perdre son sang-froid à M. Brousse.

On voit ici encore l’attitude de suivisme du mouvement écologique associatif qui cherche à rentrer dans le cadre établi par la technostructure pour faire partie des acteurs de ce jeu de dupe sur la recherche d’un monde meilleur qui n’est en fait que la recherche de se mettre en avant pour obtenir plus de considérations. Il n’y a aucun doute sur le fait que les gouvernements des pays occidentaux auraient déclaré victoire à ce sommet si un accord avait été trouvé :

  • excluant la responsabilité des pays riches,
  • incluant le captage de CO2 comme MDP, et
  • incluant le nucléaire comme MDP.

Les associations auraient alors par contre constaté leur défaite. Mais dès lors qu’un accord n’a pas été trouvé parce que le point central de la responsabilité n’a pas été accepté par tous, force est de constater que c’est grâce aux gouvernements de certains pays d’Amérique du Sud et non pas grâce aux ONG environnementales. C’est grâce à la voix de ces pays qu’a été démasquée la supercherie du sommet.

Aussi, le suivisme, la collaboration ne payent pas, n’ont que rarement payé en terme de libertés gagnées. Si le peuple peut et doit gagner la liberté de choisir son système énergétique et ses mécanismes de développement propres, il le devra à ses propres initiatives et jamais il ne le devra à une attitude de suivisme de la technostructure.

Notes

[1SANU : Solidarités AntiNucléaires www.sanu.fr

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